Zoi Tsokanou et la musique symphonique grecque
La cheffe d’orchestre Zoi Tsokanou dirige l’Orchestre Symphonique d’Etat de Thessalonique pour un album, intitulé TOPOS, qui propose un panorama de la musique symphonique grecque au XXe siècle avec des oeuvres de Solon Michaelides, Manolis Kalomiris, Yannis Constantinidis et Nikos Skalkottas. Ce titre de TOPOS, renvoie à la notion de territoire, concept en écho à ce disque majeur. A cette occasion, Crescendo Magazine s’entretient avec la musicienne afin de placer en perspective l’art orchestral grec.
Votre enregistrement s'intitule "Musique orchestrale grecque du 20e siècle". Comment définiriez-vous les caractéristiques de la musique orchestrale grecque du XXe siècle ? Quelles sont ses caractéristiques remarquables ?
Ce qui rend la musique orchestrale grecque du XXe siècle si unique, c'est l'incroyable diversité des influences du patrimoine musical grec, depuis les années anciennes, le chant byzantin, les sons orientaux et la musique folklorique, se mêlant aux influences occidentales et aux tendances musicales du 20e siècle. Les compositeurs grecs ont dû trouver leur propre voix entre Orient et Occident, tradition et modernisme, en créant un amalgame unique de styles et de langages musicaux dans leurs partitions orchestrales, de l'École nationale grecque jusqu'à l'Avant-Garde.
Comment avez-vous choisi les œuvres présentes sur cet album ?
Ce fut un processus plutôt agréable ! Nous voulions présenter avec cet album quelques points forts de la musique symphonique grecque avec une référence claire aux TOPOS grecs en tant que symbole du paysage associé à la culture, au peuple, à l'esprit et à l'âme locaux. Le choix des pièces se compose de quatre approches différentes de l'adaptation de la musique folklorique dans le langage musical des quatre compositeurs. C'est une musique familière que nous connaissons très bien et avec laquelle nous grandissons, comme les Suites de danses de Constantinides et Skalkottas, une pièce en lien particulier avec le fondateur de l’Orchestre symphonique d’État de Thessalonique, Solon Michaelides, et une découverte et premier enregistrement, l'île rare de la figure la plus impressionnante de l'École nationale grecque de musique, M. Kalomiris.
Les superbes paysages de Grèce semblent être une source d'inspiration essentielle pour les compositeurs. La musique symphonique grecque est-elle essentiellement naturaliste ?
Il est vrai que les paysages grecs et surtout la musique folklorique qui leur est associée ont toujours été une grande source d'inspiration pour les compositeurs, et c'est précisément le sujet de notre nouvel album. Mais ce n’est qu’une facette de la musique symphonique grecque et même dans ce spectre, la musique n’est pas seulement naturaliste ; l'impression de la nature devient plus importante que la nature elle-même et devient source d'un langage musical qui crée des paysages musicaux entièrement nouveaux. Cela se produit particulièrement dans la musique de Skalkottas alors qu'il explore le TOPOS grec avec des partitions orchestrales très sophistiquées et innovantes qui sont loin des éléments naturalistes et des airs folkloriques.
Pour cet enregistrement, vous dirigez l’Orchestre Symphonique d’État de Thessalonique, dont vous avez été directeur artistique de 2017 à 2023. Comment cet enregistrement s’est-il inscrit dans votre mandat ?
Au cours de mon mandat au TSSO, j'ai dirigé à plusieurs reprises des œuvres de compositeurs grecs, parmi lesquelles de nombreuses pièces que vous pouvez trouver dans notre album. J'ai réalisé l'aisance, le naturel et l'évidence auxquels l'orchestre parvenait à travers ce répertoire. D’un autre côté, je cherchais des moyens d’exorciser les moments difficiles provoqués par le Covid-19, et enregistrer un programme que tout le monde aime et connaît était probablement une bonne opportunité !
Comment les musiciens ont-ils réagi à cette programmation nationale ?
Ils ont vraiment adoré ! Certaines suggestions de programme provenaient des musiciens et l'objectif commun était d'enregistrer de la musique orchestrale grecque que l'orchestre adore jouer. Les musiciens du TSSO ont fait preuve d'un grand engagement et d'un grand dévouement pendant le processus d'enregistrement et ils sont extrêmement heureux de partager la musique de TOPOS avec vous tous.
Vous avez été la première femme à diriger artistiquement un grand orchestre grec. Comment évolue la situation des femmes chefs d’orchestre en Grèce ?
Je dirais que la scène musicale grecque s’ouvre de plus en plus aux femmes chefs d’orchestre, mais nous avons encore un long chemin à parcourir. J’encourage chaque jeune femme qui souhaite s’engager dans cette voie à le faire avec un engagement absolu et un travail acharné, mais sans hésiter sur le fait qu’elle est une femme. Les chefs d’orchestre sont des musiciens et la question du genre ne devrait pas du tout être un problème, j’espère vraiment que nous y arriverons bientôt. D’un autre côté, pour parvenir à un bon équilibre entre les sexes sur le podium, nous avons absolument besoin de plus de femmes chefs d’orchestre en Grèce, alors travaillons là-dessus !
Quels sont vos prochains projets ?
J'attends avec impatience mes débuts avec l'Orchestre Symphonique National de la Radio Polonaise (NOSPR) et l'Orchestre de la Suisse Romande (OSR), mon retour au Mexique avec le Poème de l'Extase de Scriabine et mes deux projets d'opéra, La Traviata et une nouvelle Carmen à Zurich, un projet très moderne qui transformera le célèbre opéra en une performance multimédia innovante de théâtre musical contemporain.
La site de Zoi Tsokanou : www.zoitsokanou.com
A écouter :
Topos, 20th-Century Greek Orchestral Music. Oeuvres : Solon Michaelides - Manolis Kalomiris - Yannis Constantinidis - Nikos Skalkottas: Noe Inui, Violon, Thessaloniki State Symphony Orchestra, direction Zoi Tsokanou. 1 CD Naxos 8.574436