Fabuleuses rencontre et découverte à travers un voyage symbolique et sensuel

par

Le Choeur de Chambre de Namur © Jacques Verrees

Michelangelo Falvetti (1642-1692) : Il Dialogo del Nabucco, oratorio Chœur de Chambre de Namur, Cappella Mediterranea, Leonardo Garcia Alarcon – Fernando Guimaraes (ténor), Alejandro Meerapfel (basse),Raffaele Pe (contre-ténor), Caroline Weynants (soprano), Mariana Florès (soprano), Lucia Martin-Carton (soprano), Matteo Bellotto (basse), Capucine Keller (soprano)
En pleine tournée couronnée de succès, le Chœur de Chambre de Namur et la Cappella Mediterranea font un bref passage à Bruxelles, au conservatoire, pour y présenter une œuvre à la fois méconnue et surprenante : Il Dialogo del Nabucco de Falvetti. Qui connaît Michelangelo Falvetti ? Né le 29 décembre 1642, le compositeur italien acquiert une grande notoriété dans ses terres natales, notamment en Sicile. Sous la direction du jeune chef argentin Leonardo Garcia Alarcon, nous avions déjà pu goûter à ce répertoire à travers un premier enregistrement en 2011, consacré à Il diluvio universale. A l’époque, l’auditeur avait déjà été bluffé par la richesse compositionnelle de Falvetti. Deux années plus tard arrive Nabucco et là, c’est l’extase. Comment un compositeur de cette envergure a-t-il pu être mis de côté ? Cet enthousiasme certain, dû principalement à l’œuvre, est également engagé par la remise en question permanente du chef. En plus de restituer une œuvre inconnue, Alarcon et ses musiciens subliment chaque récitatif, aria, chœur par une palette de couleurs expressive, une ambiance chaleureuse et une analyse approfondie de la partition. D’un dramatisme poignant, l’œuvre de Falvetti annonce clairement la musique moderne : harmonie audacieuse, rythmes très proches du jazz, couleurs et symboliques étrangères, bref un panaché d’idées. La forme de l’œuvre, assez simple avec un accent porté sur la mise en valeur du texte, offre un dialogue à six voix, élégant et de souple. Et justement, les solistes en tirent, de manière appropriée, toutes les ficelles. Grande maîtrise pour tous du texte, de la prononciation et de la justesse. L’émission vocale, dans une salle qui s’y prête bien, est proche de la perfection et le dialogue permanent entre solistes et orchestre emballe l’auditeur. A l’écoute, le chef modèle son discours à la manière d’un peintre : il accentue certaines dissonances, certains traits caractéristiques ou rythmes surprenants. Mais ce qui impressionne davantage l’auditeur, c’est cette volonté de magnifier une cellule, une idée ou encore de dégager un timbre ou un son particulier. A ce propos, félicitons le percussionniste Keyvan Chemirani qui, de ses mains, est parvenu à créer une atmosphère chaude et brillante, à l’image de ses collègues dont l’instrumentation choisie est d’une très belle finesse. Œuvre d’une humanité sans précédent, Nabucco est en quelque sorte le reflet d’une époque, d’une période difficile, celle de l’emprise du Royaume d’Espagne. L’interprétation d’Alarcon n’est pas juste une lecture, c’est d’abord une recherche de l’instrumentarium, du registre et des techniques de jeu. Le Chœur de Chambre de Namur vient compléter ce travail par un son homogène, riche, précis, beau… le tout agrémenté d’une mise en espace intéressante du point de vue acoustique. Les solistes ont pu profiter de chaque espace, offrant un vraiment moment de nature. On l’aura compris, le concert de mercredi aura été, à l’image du CD, une rencontre et une découverte à travers un voyage symbolique et sensuel. Finalement, l’auditeur a devant lui des amis, une famille qui prend du plaisir à interpréter cette œuvre, et cela se ressent durant toute l’exécution.
Ayrton Desimpelaere Bruxelles,
Conservatoire Royal, le 28 janvier 2015

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