Assiette anglaise de flûte et piano à l’heure du premier XXe siècle
Shadow Dances. York Bowen (1884-1961) : Miniature Suite ; Sonata Op. 120. Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : Suite de ballet. Lennox Berkeley (1903-1989) : Sonatina Op. 13. William Alwyn (1905-1985) : Sonata. Arnold Bax (1883-953) : Four Pieces. Howard Ferguson (1908-1999) : Three Sketches. Adam Walker, flûte. Huw Watkins, piano. Juillet 2022. Livret en anglais, allemand, français. TT 77’17. Chandos 20265
Après deux albums chez Chandos consacrés au répertoire français (avec le clavier de James Baillieu, l’archet de Timothy Ridout, et l’Orsino Ensemble dans une affiche Belle Époque), Adam Walker se met à l’heure de Big Ben. Ce copieux programme inclut deux œuvres en commun avec l’anthologie British Flute Music de Jeffrey Khaner & Charles Abramovic (Avie, décembre 2001) : la Sonatina op. 13 de Lennox Berkeley, et la Sonata op. 120 d’York Bowen, –celle-ci concluant le double-album From the British Isles de Kenneth Smith et Paul Rhodes (Divine Art, 2015). On n’y trouve pas la Sonata op. 97 du même Berkeley, que James Galway avait couplée avec la Sonatina dans son CD consacré à ce compositeur (RCA, décembre 1982, avec Phillip Moll). Mais on récolte des œuvres qui contribuent diversement à la gloire du répertoire britannique pour traversière et piano.
Commandée par Louis Fleury, associé pour la postérité au Syrinx de Debussy, la Suite de ballet de Vaughan Williams aligne quatre danses dans une veine néoclassique alla francese, dont une gavotte et un passepied. Ébloui par la production londonienne des Ballets russes en 1911, Arnold Bax s’attela dans la foulée à un conte sur la légende géorgienne de Tamara, dont s’était déjà emparé Mili Balakirev (1836-1910), dans son poème symphonique achevé en 1882 et qui sous l’égide de Diaghilev allait connaître une transposition chorégraphique deux ans après la mort du Russe. Évincé par cette concomitance, Bax dut donc remiser sa partition pianistique, mais y puisa pour ses Four Pieces présentées en concert en 1916 sur une commande d’Albert Fransella. L’argument scénique explique l’imagerie orientaliste de ces vignettes, dont la première (Shadow Dance) donne son titre au présent album.
Dédiée au même Fransella, pupitre virtuose des orchestres de la capitale anglaise, la Miniature Suite fut écrite par un jeune York Bowen de 24 ans. Près de quatre décennies la séparent de l’ambitieuse Sonata de 1946, qui pour sa part fut dédiée à Gareth Morris, soliste du Philharmonia dès 1948 (un poste qu’il conserva un quart de siècle), l’année-même où il introduisit en public la concise Sonata d’Alwyn, qui avait étudié la flûte à la Royal Academy of Music. Plus superficielles voire d’un intérêt anecdotique sont les Three Sketches d’Howard Ferguson, accumulées sporadiquement après 1932 jusqu’à son ultime veine créatrice, –il décida alors de cesser de composer en 1959 et n’écrivit plus rien jusqu’à sa disparition en 1999. Ces brèves esquisses bouclent cet intéressant florilège du riche fonds d’Outre-Manche pour flûte et piano dans la première moitié du XXe siècle.
D’autres choix étaient possibles, comme les Sonate et Sonatine de Malcolm Arnold (1921-2006). En tout cas, l’interprétation fine (dans le bas registre des Naïades de Bax, un phrasé sans gras, fondu dans l’onde), détaillée, sensible, lumineuse mais sans acidité (l’éclatante Humoresque de Bowen), laissant chanter la douce contenance de ces pages, ne mérite qu’éloge. Avec au sommet les pudiques glacis d’eaux mortes de l’Adagio de la Sonatina de Berkeley. On n’en attendait pas moins du talentueux Adam Walker, recruté comme principal flute du LSO en 2009 à l’âge de 21 ans. Capté avec un certain recul qui ne vole pas la vedette au soliste, le Steinway d’Huw Watkins soutient admirablement son partenaire. L’acoustique aérée du Wyastone Concert Hall et une prise de son remarquablement équilibrée et transparente contribuent au charme de l’écoute.
Son : 9,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 6-8 – Interprétation : 10
Christophe Steyne