Au Festival d’Ambronay, grande émotion avec le Requiem de Mozart

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Le vendredi 6 octobre, nous avons vécu un moment particulier dans la soirée avec Le Concert de la Loge et Julien Chauvin. Quinze jours auparavant, le décès du baryton Alejandro Meerapfel lors d’un concert dans cette même abbatiale a marqué l’esprit. S’il chantait souvent avec La Cappella Mediterranea comme ce fut le cas le 22 septembre, il était également membre du Chœur de chambre de Namur, qui interprétait le Requiem de Mozart ce soir-là. En ce sens, le chœur a été plus que jamais au centre de ce concert. Les expressions des choristes, déterminées (Dies Iræ), lumineuses (Sanctus), ou apaisées (Lux æterna), sont empreintes d’une certaine pudeur, notamment chez les sopranos. La douceur des voix qui toujours prédomine, y compris aux moments affirmatifs (Rex tremendae majestatis) ou poignants (Confutatis), frappe à chaque fois. L’absence de toute brutalité n’empêche pas de transmettre une douleur profonde comme dans le célèbre Lacrimosa. L’équilibre entre les quatre pupitres est parfait dans une homogénéité sublime, notamment dans la fugue finale dans Lux æterna où tous les chanteurs sont acteurs de cette interprétation avec une dramaturgie extraordinaire.  

Les solistes forment un beau quatuor vocal dans l’esprit de musique de chambre. La retenue chez la soprano Julia Lezhneva nous émeut, tant sa virtuosité dans d’autres répertoires éblouit souvent l’auditoire. La richesse de timbre d’Eva Zaïcik enrichit la partition avec bonheur, alors que la projection droite du ténor Mauro Peter apporte une couleur lumineuse. Quant à la basse Andreas Wolf, il nous amène dans la force intérieure inhérente à cette musique. L’orchestre du Concert de la Loge aux instruments de la période classique brille de mille éclats, à commencer par les harmonies aux sons bien corsés, comme le début de Tuba mirum très remarqué. La présence de l’orgue portatif se démarque dès le début, avec un solo de l’orgue avant le Requiem aeternam, en guise d’introït. Ainsi, Julien Chauvin donne le caractère à chaque pupitre, que ce soit les instruments ou les voix, pour en tirer une richesse insoupçonnée qui recèle encore cette partition que l’on croit connaître par cœur.

Après l’interprétation très intense d’une version élargie (de Domine Jesu à Lux æterna), Julien Chauvin est resté silencieux pendant de long moment, la tête baissée. Certains membres du chœur essuyaient discrètement les larmes. Ce silence, aussi éloquent que la musique, fut un moment de spiritualité incontestable.

Mais auparavant, dans la première partie du concert, Julien Chauvin nous a déjà régalés dans l’entraînante Symphonie concertante de Mozart, avec son invité de prestige : Amihai Grosz.

Au début, l’acoustique de l’abbatiale semblait très généreuse pour ce genre de répertoire, mais à mesure que les instruments s’approprient le lieu, on découvre un véritable jeu « concertant » entre les deux solistes et l’orchestre, leur heureuse fusion. Ils ont adopté un tempo très flexible -notamment dans le développement du premier mouvement-, toujours dans le bon goût, qui ne défigure jamais les propos. Ensuite, le mouvement lent est traversé par le caractère théâtral, souvent opératique, avec des lignes mélodiques avec un contraste comparable au clair-obscur d’une sculpture baroque. Le final à une allure bondissante et joyeuse, fait ressortir un dialogue remarquable entre le violon sautillant de Julien Chauvin et l’alto rythmé d’Amihai Grosz. Quant à l’orchestre, avec son articulation et son accent, il devient le troisième soliste. Ainsi, le titre Symphonie concertante n’a jamais sonné aussi juste.

Ambronay, Abbatiale, le 6 octobre 2023

Victoria Okada

Crédits photographiques :  © Bertrand PICHENE

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