Coffrets et rééditions chez Warner : Arrau, Corboz et Vaughan-Williams 

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Warner continue de faire tourner son catalogue avec différents coffrets et rééditions thématiques. Nous nous penchons ici sur trois boîtes récentes de belle allure graphique qui en imposent sur les étagères des mélomanes.  

Claudio Arrau  : The Complete Warner Classics Recordings. 1 coffret de 24 CD Warner  01900296245572.  

Le pianiste Claudio Arrau est dans l’imaginaire du mélomane plutôt lié aux labels Decca et Philips mais, entre 1921 et 1962, il a gravé plusieurs disques pour Columbia, Gramophone, Electrola, HMV, Parlophone et Telefunken, marques désormais propriété de Warner. Dès lors, il est difficile de parler d’un corpus cohérent mais on tient une suite de photographies interprétatives d’un interprète hors du commun centrées sur les années 1920/30 et les années 1950/1960. Le coffret propose malgré tout des premières mondiales : l'Étude en do dièse mineur, Op.10 n°4 de Chopin, La Valse oubliée et “Au bord d’une source” des Années de pèlerinages de Liszt ainsi qu’une Sonate pour piano n°30 de Beethoven. En “bonus” aux bandes studios, le mélomane peut apprécier les captations de concerts des Concertos n°3 à n°5 de Beethoven avec le Philharmonia Orchestra sous la direction d’Otto Klemperer, précédemment édités par Testament.  

De ce panorama musical, on retient la hauteur de vue qui se manifeste dès les enregistrements berlinois des années 1920 et 1930. La musique s’écoule avec perfection et évidence dans les courtes pièces gravées pour le 78 tours. Il est également heureux d’écouter quelques brides de trios de Beethoven et Schubert qui documentent Arrau comme chambriste, une facette de l’art du musicien trop rare au disque.  Changement de registre et bond dans le temps avec les progrès techniques qui permettent de restituer des œuvres dans leur totalité. A Londres, le pianiste laisse des témoignages majeurs dans les partitions de Beethoven, Chopin et Schubert dont on admire la maîtrise de la construction et la force dramaturgique. Des concertos, on retient évidemment les deux de Brahms sous la direction de Carlo Maria Giulini avec le Philharmonia Orchestra, des lectures non surpassées à la fois granitiques par leur lenteur et leur puissance tétanisante mais aussi apoliniennes avec un geste musical fascinant. Tout aussi félins, les concertos de Beethoven en studio avec le solide routier Alceo Galliera. On sera plus réservés par le couplage classique Schumann/Grieg ou l’étonnant Concerto n°1 de Tchaïkovski couplé au Konzertstück de Weber, des lectures certes maîtrisées et fignolées, mais au détriment de la fluidité. Cela étant, celles et ceux qui détestent les lectures telluriques et démonstratives du célèbre Concerto n°1 de Tchaïkovski apprécieront l'intellectualisme et le travail sur les nuances et les dynamiques parfois presque chambristes.  On écoutera comme une curiosité inaboutie la rencontre avec Klemperer dans Beethoven où chacun des protagonistes semblent rester pudiquement dans sa zone de confort. C’est certes bien fait et musical, mais on aurait attendu des étincelles de ce duo de titan. 

Note globale : 9       

Michel Corboz. The Complete Erato Recordings. 1 coffret de 74 CD Erato. 01900296217463. 

Erato commence une réédition du legs de Michel Corboz. Pilier du catalogue Erato, le chef de chœur suisse a marqué l’histoire de l’interprétation chorale par son travail sur le répertoire et les œuvres qu’il dirigeait avec un soin tout helvétique. 

Au pupitre de ses forces chorales de Lausanne, puis du chœur Gulbenkian, le chef a gravé de nombreux disques qui furent des piliers du catalogue du label français. Cette aventure discographique est avant tout l’histoire d’une rencontre entre le producteur et directeur d’Erato, Michel Garcin, et le jeune Michel Corboz aux rencontres musicales de Nevers Europa Cantat en 1964. Le musicien suisse s’y produisait avec le jeune Ensemble vocal de Lausanne qu’il avait fondé en 1961 et avec lequel il avait remporté trois prix au Concours polyphonique Guido d'Arezzo. 

Les premiers albums sortent rapidement et ils sont consacrés à Monteverdi, Vêpres et L'Orfeo, puis Bach avec le Magnificat et la Messe en Si mineur. Ces albums sont d’emblée primés : Académie Charles Cros, Prix Mondial du disque, Disque d’Or au Japon….Nous ne sommes pas encore au firmament de l’éclosion du mouvement baroque et la qualités musicales alors exceptionnelles portées par une excellence chorale font de ces enregistrements des références d’un temps. Michel Corboz se caractérise également par une fidélité aux artistes comme le ténor Eric Tappy ou la mezzo-soprano Magali Schwartz. On note également une grande capacité du chef à s’entourer de grands chanteurs comme Teresa Berganza pour une étonnante Dido & Aeneas de Purcell ou de jeunes artistes comme René Jacobs dans David et Jonathas de Charpentier. Au niveau du répertoire, Monteverdi et Bach sont des piliers structurant de l’art du chef avec une remise sur le métier ; ainsi on peut retrouver trois interprétations de la Messe en si (1972, 1979 et 1996) et deux enregistrements de L’Orfeo (1968 et 1985), Michel Corboz se plaisait à explorer le répertoire baroque français alors méconnu avec l’imposante Messe pour les trépassés et l’opéra David et Jonathas de Charpentier enregistré en première mondiale. 

Dès lors, il est délicat de juger de coffret de manière “neutre”. Certes, on apprécie grandement les qualités vocales, le beau chant finement musical et jamais démonstratif, la force des visions d’ensemble, la cohésion de la vision du chef, mais on reste partagés sur un art un hors du temps, beau mais lisse. Certes, cela a moins vieilli que d’autres propositions des années 1960/1970, mais il y a tellement mieux ailleurs. La comparaison entre l’enregistrement de la Passion selon Saint-Jean de Bach proposé ici et celui capté en concert à Amsterdam sous la direction d'Harnoncourt (pour se limiter à deux parutions très récentes) est infiniment cruel pour la gravure helvétique. Un coffret pour les passionnés de l’art du chef et les archivistes de l’interprétation chorale. Notons que Warner annonce pour le printemps prochain un coffret qui proposera le reste du legs de Corboz : du répertoire classique aux XXe siècle. 

Note globale : 7 

Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : The New Collector's Edition. 1 coffret de 30 CD Warner Classics. 019002296245374 

A l’occasion de l’Anniversaire des 150 ans de la naissance de Ralph Vaughan-Williams, Warner remet sur le marché le coffret paru en 2008 pour les 50 ans de la mort du compositeur. Cette cuvée 2022 est nommée “The New Collector’s Edition” mais elle reprend à l’identique le contenu de 2008. Ce coffret permet à Warner de proposer un large panorama des oeuvres du compositeur sur base de la richesse sans égal de son catalogue que le label fait tourner. On est ainsi ravis de retrouver l’intégrale des symphonies par Vernon Handley au pupitre du Royal Liverpool Philharmonic, une somme passionnante parue en son temps dans la collection économique Classic for pleasure mais qui n’a pas l’aura des gravures d’Adrian Boult ou de Bernard Haitink. Moins médiatique, cette intégrale n’en reste pas moins l’une des grandes références trop sous-estimée. L'élite des orchestres et des chefs anglais : Adrian Boult, Richard Hickox, Charles Groves, Malcolm Sargent, John Barbirolli pour les pièces symphoniques, mélodies avec orchestre, concertos.  L’un des atouts de ce coffret est de présenter une très large sélection des œuvres vocales, chorales et mêmes lyriques avec les enregistrements de Hugh the Drover, The Pilgrim’s Progress et Sir John in Love dans des interprétations idiomatiques et exemplaires. Certes le booklet est assez minimal mais l'investissement est rentable et qualitatif pour celles et ceux qui ne connaissent pas encore bien les oeuvres de ce compositeur.

Note globale : 10 

La Rédaction

  

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