La fleur dans la cantate baroque italienne : un récital forcené

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Vaghi Fiori. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Voi giungeste o vaghi fiori ; Sonate pour violoncelle no 1 en ré mineur. Giovanni Zamboni (1650- ?) : Arpeggio ; Ceccona [Sonates pour luth no 8 & 11]. Giovanni Bononcini (1670-1747) : In siepe odorosa fiorisce la rosa ; Il Giglio amante e sposo. Nicolo Porpora (1686-1768) : Senza il misero piacer [Or che una nube ungrata] ; Più della rosa e’l giglio [Dalla Reggia di Flora] ; La Viola che languiva. Giovanni Battista Pescetti (1704-1766) : Spiritoso [Sonate pour clavecin no 7]. Francesco Mancini (1672-1737) : D’un bel fior, pianta vezzosa [Allor ch’il dio di Delo]. Dominique Corbiau, contre-ténor. La Camerata Sferica. Édouard Catalan, violoncelle. Raphaël Collignon, clavecin. Pieter Theuns, luth. Fabrice Holvoet, théorbe, guitare baroque. Arianne De Bièvre, Cyril Orcel, percussion. 2023. Livret en anglais, français, néerlandais, allemand (paroles en italien et traduction quadrilingue). TT 62’44. Sonamusica SONA2306

À peine la moitié du programme concerne ce qui semble son cœur de projet : l’évocation de la fleur dans la cantate pastorale italienne à l’époque baroque. Ce n’est pas la famélique notice qui nous en apprendra beaucoup sur les intentions de ce disque, si ce n’est que « par la beauté et la suavité de leur parfum, les fleurs sont un thème récurrent de ces véritables opéras miniatures ». Rose, tournesol, lys, jasmin, violette fertilisent ces allégories de la sensualité, de la pureté, de la fragilité ou du tourment amoureux, au travers d’œuvres complètes (Voi giungeste o vaghi fiori, La Viola che languiva, Il Giglio amante e sposo) ou d’arias tirées de cantates.

Un tel sujet, voisin de l’album « Fascinazione Arcadia » (avec Anne Schmid et la Freitagsakademie, Solo Musica, mai 2014), ne méritait-il pas un plus large bouquet vocal, d’autant que ce riche répertoire le permet ? L’autre moitié du parcours tisse des intermèdes instrumentaux, pour luth (deux pièces de Giovanni Zamboni), clavecin (un extrait de sonate de Giovanni Battista Pescetti), ou ensemble (une sonate pour violoncelle, d’ailleurs la même que dans le récital de la contralto helvète, d’Alessandro Scarlatti). L’occasion de se souvenir de la remarquable anthologie (Profano e Sacro) que Dominique Corbiau consacra au Palermitain voilà une dizaine d’années.

Autre frustration : un niveau de gravure invraisemblable, qui fait sursauter dès la première plage ! Le volume gonflé à bloc, souvent proche des valeurs crêtes, dilate toute nuance, écrase la perspective et s’avère tellement fatiguant qu’on préfère ne pas se prononcer sur la qualité sonore. On regrette que cette outrancière infatuation pervertisse la prestation des artistes, qui en semblerait prosaïque et caricaturale. Dommage car en soi l’interprétation vive et pleine de santé voit triompher la voix souple, chaude et véloce de Dominique Corbiau, bien connu en nos contrées. Ses partenaires de la Camerata Sferica ne tarissent jamais d’entrain et de verve. À condition de modérer drastiquement son amplificateur, l’auditeur pourra particulièrement succomber à l’addictif Belle rosa porporina, ainsi qu’aux Più della rosa e’l giglio et D’un bel fior, pianta vezzosa rythmés par la percussion. Oserait-on résumer en écrivant que ce roboratif CD éblouit autant qu’il agace ?

Son : ? – Livret : 6 – Répertoire : 8 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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