Miroirs romantiques : Schumann et Mendelssohn à travers la flûte d’Emmanuel Pahud

par

“Romances”. Oeuvres de : Clara Schumann (1819-1896) ; Robert Schumann (1810-1856) ; Fanny Mendelssohn (1805-1847) ; Felix Mendelssohn (1809-1847). Emmanuel Pahud, flûte ; Eric Le Sage, piano. 2022. Livret en : allemand, anglais et français. 64’ 53”. Warner.

Dans son nouvel album Romances, Emmanuel Pahud, accompagné par le pianiste français Eric Le Sage, nous embarque dans un périple musical basé sur le ton de la dualité. Il y embrasse deux noms emblématiques du répertoire romantique, Schumann et Mendelssohn, et apporte de la sorte un contraste entre le couple francfortois et la fraternité hambourgeoise. 

Initialement composées pour hautbois et piano, puis offertes à Clara Schumann en guise de cadeau de Noël, les 3 Romances op.94, sont exécutées avec légèreté et souplesse. Relativement simples et peu virtuoses, Pahud réussit à leur apporter une plus-value par son expérience, mais fait aussi preuve d’un impressionnant contrôle de souffle. Composée en A-B-A, cette série de trois pièces se clôture par la douceur de « Nicht schnell », ponctué par des arpèges délicatement exécutés par Eric Le Sage. La deuxième pièce choisie et issue du répertoire de Robert Schumann n’est autre que son Fantasiestücke op. 73, composé la même année que la précédente œuvre. Cette période se révèle importante puisque Schumann y signera ses dernières partitions avant d’être malheureusement envoyé dans une institution pour soigner ses troubles mentaux. Le premier mouvement en la mineur, « Zart und mit Ausdruck », nous plonge, sous les doigts de Pahud et de Le Sage, dans une atmosphère riche en mélancolie avant de se résoudre sur une note d’espoir au moyen d’un arpège annonçant le prochain mouvement. Ce dernier est quant à lui joué de manière éclatante, mais la chaleur du jeu des deux instrumentistes demeure. Les triolets chromatiques créant un dialogue entre la flûte et le piano sont abordés de manière ludique, nous rappelant peut-être l’aspect instable de la vie du compositeur. Vient enfin le dernier mouvement. À ce moment, les musiciens sont poussés à leurs extrêmes avec une coda refermant la pièce dans un triomphe musical bordé par des doubles frénétiques. Nous noterons cependant une légère retenue qui, à l’inverse de l’interprétation de Jacqueline Du Pré (violoncelle), nous laisse sur notre faim. 

Les 3 Romances op. 22 de Clara Schumann, dédiées au violoniste légendaire Joseph Joachim, s’ouvrent quant à elles sur un premier mouvement mêlant tragédie et liberté. Le jeu de Pahud est ici particulièrement impressionnant, offrant une interprétation nuancée et expressive qui retranscrit avec justesse les émotions suscitées par cette pièce. L’Allegretto manque quant à lui d’une pincée de relief, ce qui de facto nous noie dans une litanie musicale. Enfin, le dernier mouvement termine cette épopée avec brio. L’accompagnement pétillant du piano est magistralement exécuté, ce qui ne peut qu’embellir le jeu remarquable d’Emmanuel Pahud. Ainsi se clôture le chapitre consacré aux Schumann. 

S'ensuit une série de lieder signés Fanny Mendelssohn. D’une durée d’environ deux minutes chacun, les musiciens réussissent à leur rendre justice malgré leur présentation décousue. Nous noterons d’ailleurs le « Wanderlied » comme étant notre coup de cœur avec un accompagnement léger supportant une flûte virevoltante. 

L’album se termine par la sonate en fa majeur de Felix Mendelssohn. Nul n’est besoin de lister à nouveau les qualités d’Emmanuel Pahud et d’Éric Le Sage, mais retenons le choix judicieux de ce morceau pour clôturer cet album, le troisième mouvement refermant ce nouveau chapitre avec fraîcheur, qualificatif qui pourrait assez bien résumer ce nouveau disque. 

Ce nouvel album Romances s’accompagne d’une structure narrative plus qu’intéressante. La mise en exergue des deux compositrices est particulièrement appréciée et le choix des pièces semble avoir été mûrement réfléchi. Le flûtiste franco-suisse est habile à naviguer entre les différentes sonorités, tandis qu’Eric Le Sage apporte une palette de couleurs riches et variées. Ensemble, ils construisent une atmosphère captivante qui transporte l’auditeur à travers des émotions contrastées et des paysages envoûtants. 

Note globale : 8.5/10

Clément Bellanger

Chronique réalisée sur base de l’édition numérique. 

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