Nikos Skalkottas, scintillements concertants autour du violon 

par

Nikos Skalkottas (1904-1949) : Concerto pour violon et orchestre A/K 22 (Nouvelle édition critique par Eva Mantzourani) ; Concerto pour violon, alto et orchestre à vents, AK 25. George Zacharias, violon ; Alexandros Koustas, alto ; London Philharmonic Orchestra, Martyn Brabbins. 2020 et 2022. Livret en anglais, allemand et français. 57’57’’. BIS 2554. 

Le label Bis a particulièrement oeuvré pour la connaissance de l’oeuvre de Nikos Skalkottas, c’est donc naturellement que cette nouvelle parution qui propose les premiers enregistrements mondiaux du Concerto pour violon, alto et orchestre à vents et de la nouvelle édition critique du Concerto pour violon vient prendre place dans cette collection. 

Malgré sa place majeure dans l’Histoire de la musique hellène et la musique du XXe siècle, l'œuvre de Skalkottas reste marginale au concert et au disque, à l’exception de la série initiée par Bis. Il faut dire que sa musique peut recouvrir de nombreuses facettes et influences. Ainsi, Harry Halbreich notait avec justesse “son œuvre est aussi chaleureux, aussi lyrique, et souvent aussi sombre, que celui d'un Alban Berg, parfois aussi ténu et raffiné que celui d'un Webern, ou aussi rythmé que celui d'un Stravinsky ou d'un Bartók. Mais il est avant tout d'une clarté et d'une lucidité véritablement méditerranéennes ». Sa musique anguleuse et sombre s’inscrit souvent dans un creuset d’une modernité sans concessions et réinventé mais elle s’avère parfaitement personnelle et unique. 

Les deux œuvres de ce programme ont été composées en 1938 et en 1940, alors que le compositeur qui avait dû fuir le Berlin cosmopolite et avant-gardiste de la République de Weimar où il s’était installé suite à la montée du nazisme, avant que son pays soit à son tour envahi par les armées hitlériennes. Isolé en Grèce des circuits artistiques, il réinvente le sérialisme de Schoenberg. Ces recherches seront théorisées dans un traité d’orchestration. 

Le Concerto pour violon est une œuvre dense et complexe, mariage réussi entre une horizontalité anguleuse et une verticalité rythmée et colorée. Tout est construit et élaboré dans cette partition qui ne laisse jamais place au bavardage ou au pittoresque.  Le présent enregistrement est basé sur l’édition critique de 2019 d’Eva Mantzourani qui corrigeait des oublis et des fautes de notes.

En complément, cet album propose en première mondiale le  Concerto pour violon, alto et orchestre à vents qui a pu être reconstitué par le violoniste George Zacharias sur base des manuscrits conservés aux archives Skalkottas d’Athènes. Outre l’instrumentarium original, cette œuvre tend parfois vers une motorique qui évoque Kurt Weill, Stravinsky et Hindemith. Le dialogue entre les deux instruments solistes et les pupitres de l’orchestre est vif et énergique et on y sent moins de touffeur que dans le Concerto pour violon. On découvre même ça et là des réminiscences syncopées d’un jazz alors interdit par les occupants nazis. Cette partition est un diamant brut ! 

Les interprètes sont exemplaires de technique et de musicalité : George Zacharias au violon et Alexandros Koustas à l’alto. Rompu aux musiques les plus exigeantes, Martyn Brabbins galvanise le  London Philharmonic Orchestra. Nikos Skalkottas ne pouvait rêver meilleurs interprètes pour sa musique. 

Son : 10  Notice : 10  Répertoire : 9  Interprétation : 10

Pierre-Jean Tribot

Chroniques réalisée sur base de l’édition SACD

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