L’art de la transcription par Marina Yakhlakova

par

Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en la mineur, D.845 – Huit transcriptions de lied pour piano (Schubert/Liszt) : Ständchen, Die Forelle (2nde version), Auf dem Wasser zu singen, Gretchen am spinnrade, Der Müller und der Bach, Die Stadt, Der Doppelgänger, Erlkönig
Marina Yakhlakova, piano
2014-DVD-80’-Textes de présentation en français et anglais-Master Performers-MPI 14002

C’est à travers Schubert et sous la forme d’un DVD que l’on découvre la jeune pianiste russe, Marina Yakhlakova. L’artiste de 23 ans explore deux répertoires distincts : la sonate et la transcription. L’auditeur devient ainsi spectateur d’une représentation dans la salle exceptionnelle, mais vide pour l’occasion, du Mechanics Hall, Worcester dans le Massachussetts. Parler des transcriptions de lieder de Schubert nous impose de revenir quelques instants à Franz Liszt. Compositeur et interprète génial, Liszt a également mené une carrière de transcripteur. En plus d’un hommage aux auteurs originaux, Liszt tente de sublimer le corpus sélectionné (Symphonies de Beethoven, Symphonie fantastique de Berlioz, œuvres de Schubert, Wagner…) en restant fidèle au texte tout en l’agrémentant de détails surprenants. Liszt ne dénature pas l’œuvre, il la complexifie et la renchérie pour offrir au public une version davantage pianistique. Dans le cas des lieder de Schubert, la difficulté réside dans la transposition de la voix chantée au clavier. De nombreuses contraintes s’imposent alors au compositeur : maintien des strophes, structure fixée, ligne vocale imposée. C’est ainsi que le transcripteur décide de transformer l’accompagnement, le rendant plus virtuose dans une succession de variations. Chaque transcription chez Liszt propose un large ambitus de caractéristiques, ne nous permettant pas ainsi de faire une synthèse sur le travail compositionnel. En contrepoint, la Sonate D845 en la mineur de Schubert apporte une grande maturité au récital. Le choix n’est pas anodin puisque la texture de cette œuvre nous rapproche fortement du caractère orchestral tant Schubert y oppose des richesses harmoniques et rythmiques. C’est aussi l’une des rares sonates, dont toute l’étendue du clavier est usitée, à avoir été publiée du vivant du compositeur. Pièce ample et incroyablement polyphonique, elle nous rappelle par moment la liberté de l’improvisation et de la variation.
A 23 ans et dans une ambiance décontractée (public absent), Marina Yakhlakova (lauréate du Concours International de Piano Franz Liszt) nous dévoile toutes ses qualités d’artiste. Belle construction du discours dans la Sonate en la mineur, exploitation idéale du matériau sonore que lui offre la salle et une large palette de couleurs et de dynamiques au service de l’œuvre. D’une maîtrise sans failles, la pianiste aborde les lieder avec romantisme, certes, mais contrôlé. On perçoit par moment une volonté de déborder dans les rubati et autres caractéristiques romantiques, sans pour autant installer une approche vulgaire. La pianiste a-t-elle accompagné des chanteurs dans ces lieder ? Cela aurait pu être bénéfique. Techniquement, le jeu est irréprochable. Dans le Roi des aulnes, pièce redoutable, les notes répétées ne lui font pas peur. C’est un jeu, franc, mature, imagé et intelligent que l’on découvre pour une pianiste en devenir. Accompagné d’une excellente analyse des œuvres, le DVD offre une belle vision du talent de l’artiste par les différents plans cinématographiques sobres et fluides. En revanche, la traduction en français de la biographie est inadmissible. Des fautes à chaque ligne, une traduction plus qu’approximative et des termes non-traduits. Une honte à côté de l’excellence de l’interprétation et du livret de présentation.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10, biographie 3 – Répertoire 10 - Interprétation 9

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