Premier disque avec orchestre pour Denis Kozhukhin

Piotr Illich Tchaïkovsky
(1840-1893)
Concerto pour piano en si bémol mineur, Op. 23
Edvard Grieg
(1843-1907) 
Concerto pour piano en la mineur, Op. 16
Denis Kozhukhin, piano – Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin, Vassily Sinaisky, direction
2016-SACD-64’37-Textes de présentation en anglais et allemand-Pentatone-PTC5186566

A 23 ans, le pianiste Denis Kozhukhin remporte le Premier Prix du Concours Reine Elisabeth en interprétant notamment en finale le Concerto n°2 en sol mineur de Prokofiev. Il nous revient avec un disque totalement éloigné de la noirceur du langage de Prokofiev, consacré aux concertos de Grieg et Tchaikovsky. En choisissant deux des concertos les plus populaires du répertoire pianistique, Kozhukin ne se facilite pas la tâche tant les enregistrements sont nombreux aujourd’hui et souffrent inévitablement et sans cesse de la comparaison. Mais l’écoute de ces deux œuvres reste à chaque fois un régal pour l’oreille tant elles jouissent chacune d’un foisonnement d’idées, de couleurs, d’ambiances…
Le Concerto en la mineur de Grieg puise son influence dans l’unique Concerto pour piano de Schumann, lui aussi en la mineur. A la différence de ce dernier, Grieg se détache de l’influence germanique préférant y inclure plusieurs références à sa Norvège natale. C’est au Danemark et durant l’été 1868 que Grieg construit les trois mouvements du Concerto, il n’a alors que 25 ans. En 1874, soit six ans plus tard, Tchaïkovsky présente le manuscrit de son Premier concerto à son mentor, Nikolaï Rubinstein, qui le rejette catégoriquement. Tchaïkovsky décide alors de se tourner vers Hans von Bülow qui jouera l’œuvre le 25 octobre 1875 avant que, malgré ses réticences, Rubinstein finisse par accepter d’assurer à la baguette la création de l’œuvre à Moscou avec Sergueï Tanaeïv au piano, élève du compositeur.
Denis Kozhukhin ne choisit donc pas la facilité en tentant de défendre ces deux œuvres extrêmement populaires. Choisir ce répertoire, c’est démontrer sa capacité à apporter autre chose, une autre direction, une autre ambiance, comme Kirill Gerstein qui a enregistré en 2015 la version de 1879 du Concerto de Tchaïkovsky. Et c’est ce que fait admirablement Kozhukhin. Le pianiste préfère un piano limpide, sensible, à un piano autoritaire et brutal comme on peut souvent l’entendre dans Tchaïkovsky. Une vraie complicité se démarque entre l’orchestre dirigé habilement par Vassily Sinaisky et le soliste dont l’ambiance intime générale offre aux deux œuvres une identité particulière. On pourrait quand même se demander si un regain d’énergie n’aurait pas été justifié à certains endroits, notamment le Finale de Tchaïkovsky. C’est d’ailleurs principalement dans les cadences que le pianiste semble vraiment se détacher d’un éventuel cloisonnement. En revanche, choix judicieux pour les mouvements lents où l’oreille goûte à toutes les sonorités et dynamiques tantôt sereines, tantôt plus nerveuses. Doté d’une technique pianistique irréprochable, le jeu de Kozhukhin est tel qu’on le connaît : fluide, naturel et en réalité d’une grande simplicité, ce qui fait du bien dans ce répertoire. Il efface bien volontiers les excès de romantisme au profit de la pureté de la ligne. Il va de soi que la proposition de Kozhukhin ne sera pas du goût de tous, mais ce qui est certain, c’est qu’elle est inhabituelle et mérite donc sa place dans notre discographie.
Ayrton Desimpelaere

Son 9 – Livret 9 – Répertoire 7 – Interprétation 9