Un précurseur très net du grand opéra français 

par

Karina Gauvin

Olympie de Gaspare Spontini
Ouverture en fanfare du Festival Palazzetto Bru Zane -Centre de musique romantique française- à Paris, avec cette production, en version de concert, de l'opéra en trois actes Olympie de Spontini (1819), donnée dans la version révisée de 1826. Moins célèbre que La Vestale, ce troisième opéra français de Spontini (après Fernand Cortez) n'est pas tout à fait inconnu. Il en existe en effet deux enregistrements, l'un studio, en français, chez Orfeo (1987) avec Varady et Fischer-Dieskau, et l'autre en italien chez Opera d'oro, avec Lorengar et Cossoto, live de la Scala en 1966. Plus ample et plus grandiose que La Vestale, mais moins militant et moins extérieur que Cortez, Olympie était l'opéra préféré de son auteur. Très riche d'invention mélodique, de contrastes rythmiques et de hardiesses  harmoniques, il se signale aussi par des ensembles de qualités exceptionnelles, que n'égaleront seulement que ceux du deuxième acte d'Agnes von Hohenstaufen (1829). Chocs de passions, luttes de pouvoirs, ensembles dramatiques, choeur omniprésent : tous les ingrédients du futur  grand opéra français sont déjà là. A l'écoute de cette partition splendide, on ne peut qu'approuver Berlioz : il  vénérait Spontini, à qui il dut certaines de ses plus grandes émotions artistiques, et qui, sans conteste, l'influença. Comme toujours, le Palazzetto a su réunir une distribution remarquable, au sein de laquelle il faut immédiatement applaudir Mathias Vidal, qui a remplacé Charles Castronovo, souffrant. Déjà héros rayonnant du tout récent Cinq-Mars de Gounod, il incarne Cassandre, le général de feu Alexandre, amoureux d'Olympie, fille de son roi, et   qu'il est accusé à tort d'avoir assassiné. Voilà un ténor à l'articulation parfaite, à la voix souple et chaleureuse, et au charisme évident. Le véritable meurtrier est son rival en amour, Antigone, campé par un noir Josef Wagner. Last but not least, il faut citer le troisième chanteur masculin, Patrick Bolleire, qui, par son allure, sa prestance  et son legato, frappa l'auditoire dans l'important rôle du Grand-Prêtre (l'Hiérophante). Les deux dames n'ont pas démérité, au contraire, elles se sont révélées admirables dans leurs deux rôles, si bien caractérisés. Il est vrai que le livret s'inspire d'une pièce de Voltaire. Dès son entrée spectaculaire à la fin de l'acte I, Kate Aldrich, en grande dramaturge, a sublimé le personnage de Statira, dont on ne saura que tardivement qu'elle est la veuve d'Alexandre. et donc la mère d'Olympie. Et quel sommet tragique que sa grande scène au début de l'acte II ! Quant à Karina Gauvin, elle su faire ressentir la douloureuse position de la princesse, écartelée entre l'amour pour Cassandre calomnié et sa pitié envers sa mère. L'opulence d'une voix généreuse a soulevé les plus grands applaudissements. Il va sans dire qu'avec de pareils interprètes, les duos et trios dont Spontini a parsemé sa partition à profusion, étaient de véritables fêtes vocales. Le Vlaams Radio Koor, à la tâche immense, s'est couvert de gloire. Assez fourni, le Cercle de l'Harmonie, sous la direction de Jérémie Rohrer, a eu un peu de mal à s'accorder avec le plateau au début de la représentation, mais l'orchestre s'est vite repris, et tout s'est mis en place à partir de la belle "marche religieuse". L'admirable ensemble final du premier acte "Dieux, auteurs de notre être" (on en entend le thème dès l'ouverture) s'est parfaitement déroulé : le pli était pris, et l'opéra, comme en une seule coulée grandiose, se termina en triomphe et en ovations, même si l'éléphant paradant à la création manquait... !
Bruno Peeters
Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 3 juin 2016

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