Le Printemps des Arts de Monte Carlo

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A mi-parcours du Printemps des Arts de Monte Carlo édition 2019, le festival prend le temps d’un week-end “cordes” avec des quatuors à cordes et du violon. En tête d’affiche Renaud Capuçon se présentait en soliste concertant mais aussi avec son quatuor.

Mais en introduction de ce week end, le Musée Océanographique accueillait le quatuor allemand Signum pour une soirée Beethoven avec deux des derniers quatuors. Mais comme c’est de tradition au Printemps des Arts, le concert s’ouvrait avec une pièce contemporaine : le court “Rage against the” du Sud-Africain Matthijs van Dijk, exploration rageuse des capacités des instruments mais aussi de l’expression des musiciens qui tapent plusieurs fois des pieds en accord avec cette musique. Changement de registre avec deux “gros” quatuors de Beethoven : Opus 132 et Opus 130 (renforcé par la grande fugue en si bémol majeur en mouvement ultime). La force magmatique el la haute densité du discours musical font de ces quatuors une expérience unique, presque hors du temps tant ils soumettent en concert la concentration du public à rude épreuve. Le défi pour les interprètes n’en reste pas moins immense et il est brillamment relevé par les musiciens du quatuor Signum qui trouvent encore l’énergie de se lancer dans un “bis” après plus de deux heures de musique : un lied de Schubert transcrit pour quatuor.

Le lendemain, sur la scène de l’Opéra de Monte-Carlo, Renaud Capuçon et son quatuor (composé également de Guillaume Chilemme au violon, Adrien La Marca à l’alto et Edgar Moreau au violoncelle) proposaient deux autres des derniers quatuors, les opus 127 et opus 135 enchaînés sans entracte, dans un concert introduit par l’énigmatique et fascinant Pandorasbox pour bandonéon de Mauricio Kagel. Désormais trop oublié, le compositeur argentin est l’une des autres thématiques du Printemps des Arts 2019 et certains concerts proposent une belle sélection des partitions de ce trublion avant-gardiste et anticonformiste. Si le bandonéon est l’instrument du tango, Pandorasbox c’est l’anti-tango, tant l’instrument est utilisé aux limites de son expression, l’instrumentiste semblant même fusionner avec lui dans une sorte de transe bruitiste hallucinogène et intrigante. La transition avec la profondeur des derniers quatuors pouvait paraître abrupte, mais ces contrastes sont la marque du Printemps des Arts. Très attendu par le public, le quatuor Renaud Capuçon gravissait avec force de conviction les chefs d’oeuvres beethovéniens. La comparaison avec le quatuor Signum montrait la diversité des angles d’approche dans cette musique : après la force brute et la tension insufflée par les musiciens allemands, Renaud Capuçon et ses amis optaient pour une lecture moins anguleuse laissant la part belle aux contrastes de nuances et à l’écoute mutuelle.

Pas de répit pour Renaud Capuçon qui enchaîne le lendemain avec rien moins que les deux concertos de Bartók dans un même concert. Pour ce défi musical, il était rejoint par le BBC Symphony Orchestra sous la baguette de Peter Eötvös, l’un des derniers compagnons de routes de la modernité musicale au sens boulézien du terme. Programmé dans la grande salle du Grimaldi Forum, le concert débutait avec le trop rare concerto n°1. Renaud Capuçon y rend la douceur rêveuse et éthérée du premier mouvement, musique en apesanteur où le violoniste est magnifiquement soutenu par le chef et l’orchestre dans un geste moderne qui soigne les nuances et les dynamiques. Le contraste est saisissant avec un second mouvement porté par une énergie presque folklorisante dans un festival de couleurs. Le chef reste ensuite seul face à l’orchestre pour une lecture magistrale du Concerto pour orchestre expurgé de tout sentimentalisme ou néo-romantisme. Le BBC Symphony Orchestra resplendit sous cette battue qui cisèle les pupitres avec acuité étincelante. Renaud Capuçon revient sur scène pour un concerto n°2 d’anthologie : interprétation exemplaire, quadrature du cercle dans cette partition redoutable emportée au panache et à l’énergie. La direction de Peter Eötvös est en parfaite adéquation avec la vision du soliste et tend au maximum la tension dramatique de cette musique. Une énergie communicative se dégage de cette lecture qui remporte un immense succès. En bis, chef et orchestre (rejoints par Renaud Capuçon qui avec une grande élégance s’assied aux côtés du dernier rang des premiers violons) proposent logiquement une danse hongroise de Brahms.

C’est sur ce triomphe musical que se clôt ce week-end du Printemps des Arts, un week-end exigeant mais stimulant par les défis proposés et la qualité des interprètes. Le Printemps des Arts se poursuit encore du 14 avril avec encore deux week-end de belles musiques et de propositions innovantes sorties de la créativité de Marc Monnet, infatigable explorateur des musiques !

Monaco, les 29, 30 et 31 mars.

Pierre-Jean Tribot

Crédits photographiques :  JM Emportes

  

 

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