L'Orchestre national de Lille fête Ravel

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Pour célébrer les 150 ans de la naissance de Ravel, l’Orchestre national de Lille a proposé une tournée de quatre concerts autour d’un programme original, mêlant raretés et hommages. À côté d’une adaptation de la suite orchestrale Antar de Rimski-Korsakov, on découvrait la Petite Suite de Germaine Tailleferre.

Sous la direction de Joshua Weilerstein, l’Orchestre national de Lille semble trouve un nouveau souffle. La sonorité s’est élargie, l’expression s’est assouplie et enrichie de nuances plus colorées. Les trois petites pièces de caractère de Tailleferre — Prélude, Sicilienne et Les Filles de La Rochelle — évoquent des images comme des pages d’un livre de contes. Elles s’enchaînent naturellement à la Pavane pour une infante défunte de Ravel, dont la délicatesse trouve ici un écho poétique. Les cordes, soyeuses, dessinent avec justesse la silhouette fragile de cette princesse éternellement endormie.

Vient ensuite le Concerto en sol, avec au piano Nikolaï Lugansky. Interpréter Ravel n’est pas si courant chez ce pianiste, et l’occasion attire à juste titre l’attention. Dès le premier mouvement, sa précision et son sens du rythme imposent l’écoute. Le final, d’une énergie maîtrisée, témoigne d’une parfaite cohésion entre le soliste et l’orchestre. Mais c’est surtout le mouvement lent qui retient l’émotion : dans la rigueur du cadre rythmique, Lugansky laisse respirer la musique avec de subtiles inflexions de tempo, sans la moindre emphase romantique. Le bis — Jardins sous la pluie de Debussy — confirme cette élégance distante, presque ascétique, mais d’une beauté souveraine. On notera aussi son attitude sur scène : lorsque le chef présente chaque pupitre, il salue avec lui les musiciens par un signe de main ; on perçoit un véritable respect et une complicité rare entre les artistes.

La deuxième partie du concert est placée également sous le signe du conte. Antar est présenté avec un texte d’Amin Maalouf, spécialement écrit pour l’occasion. Rimski-Korsakov s’était inspiré d’une épopée arabe ancienne, transmise par l’adaptation de Ossip Senkovski, écrivain et poète de la première moitié du XIXe siècle, tandis que Ravel lui-même avait repris la partition de Rimski pour une musique de scène, Antar, donnée à l’Odéon en 1910. Le texte de Maalouf est plus fidèle au mythe, et sa narration, portée avec intensité par Charles Berling, s’accorde parfaitement à la musique. Le récitant trouve dans la partition ses appuis, ses respirations ; la musique, à son tour, prolonge les mots. Le thème lancinant du héros, omniprésent avec des changements délicats et adroits à chaque retour, devient le fil d’une fresque sonore où alternent fougue et intériorité. À mesure que le récit avance, on voit défiler les scènes dans l’imaginaire : c’est un moment suspendu, d’une grande force théâtrale.

Le concert s’achève en apothéose avec le Boléro. Joshua Weilerstein choisit un tempo mesuré, qui n’enlève rien à la tension ni à l’ivresse du crescendo final.

Ce programme, à la fois cohérent et audacieux, rend un hommage vibrant à Ravel avec un programme original qui montre un visage méconnu du compositeur.

Concert du 15 octobre, au Théâtre des Champs-Elysées à Paris.

Victoria Okada

Erédit photographique : Ugo Ponte - ONL

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