Chez Alpha, un treizième volume pour la génération des jeunes interprètes mozartiens
Next Generation Mozart Soloists. Volume 13. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour cor et orchestre n° 3 en mi bémol majeur KV 447 ; Concertos pour piano et orchestre n° 2 en si bémol majeur KV 39 et n° 4 en sol majeur KV 441 ; Concertone en do majeur KV 190/186E. Pascal Deuber, cor ; Giorgi Gigashvili, piano ; Veriko et Sofiko Tchumburidze, violons ; Sasha Calin, hautbois ; Marcus Thomas Pouget, violoncelle ; ORF Radio-Symphonieorchester Wien ; Orchestre du Mozarteum de Salzbourg, direction Howard Griffiths. 2021 et 2023. Notice en allemand, en anglais et en français. 68’ 18’’. Alpha 1160.
Inaugurée en 2020 et destinée à rassembler une collection de 18 CD, cette série autour de l’œuvre concertante de Mozart file à un rythme soutenu : interprétée par la « nouvelle génération de solistes mozartiens », elle en est à son treizième volume de cette série que nous suivons au fil de ses parutions. Ce projet est chapeauté par la fondation suisse Orpheum, qui encourage et soutient de jeunes artistes en leur permettant de se produire avec des orchestres de premier plan, dirigés par d’éminents chefs d’orchestre..
Ce treizième volume met en évidence divers instruments. À commencer par le cor, avec le Concerto n° 3, écrit pour un ami, Joseph Leutgeb (1732-1811), sans doute en 1787, selon les récentes recherches musicologiques. D’une riche facture, ce KV 447 est sans doute le plus beau des quatre composés par Mozart pour le cor. Son interprétation a été confiée au Suisse Pascal Deuber, qui, s’il est encore jeune (il est né en 1992), s’est déjà vu confier les postes de cor solo à Wuppertal, à la Philharmonie de Hambourg et, depuis 2019, à l’Orchestre de l’Opéra de Bavière. Il démontre toutes ses qualités dans ce petit bijou concertant à l’ambiance animée, dont il souligne avec élégance et chaleur le dialogue expressif, les couleurs tendres et, dans l’Allegro final, les accents joyeux. Une belle version de cet opus, avec un Mozarteum de Salzbourg que dirige avec soin Howard Griffiths.
Le Concertone est un divertissement dont les parties solistes sont confiées à deux violons, un hautbois et un violoncelle, qui rappellent, comme l’écrit Ulrike Lampert dans la notice, la tradition baroque du concerto grosso. Un esprit galant et une complicité parcourent cette conversation musicale qui accorde aux quatre solistes de beaux moments personnels. Les violonistes sont les sœurs d’origine géorgienne-turque Tchumburidze, Veriko (°1996), qui a remporté le 15e Concours Wieniawski en 2016, et Sofiko (°2000) ; elles ont toutes deux étudié au Conservatoire de Munich, la première avec Anna Chumachenko, la seconde avec Julia Fischer. L’esprit de futures grandes pages concertantes plane déjà dans cette partition de 1774 ; ses vingt-cinq minutes font aussi la part belle à la présence du hautbois de Sasha Calin et du violoncelle de Marcus Thomas Pouget, deux solistes du Mozarteum de Salzbourg qui les accompagne, toujours sous la baguette de Griffiths. On saluera l’ambiance fraîche, gracieuse et même solaire de l’interprétation.
Le pianiste géorgien Giorgi Gigashvili, né à Tbilissi en 2000 et formé localement avant Genève auprès de Nelson Goerner puis Berlin, complète l’affiche avec deux concertos de prime jeunesse de Mozart, dont il offre des versions dynamiques. Wolfgang n’a que onze ans lorsqu’il s’essaie au genre pour quatre concertos auxquels on accorde le terme de « pasticcio », car l’enfant créateur emprunte des thèmes à des contemporains comme Hermann Friedrich Raupach (1728-1778), Johann Schobert (c.1735-1767) ou Leontzi Honauer (1737-c.1790). Il assemble le tout en trois mouvements et y ajoute la partie orchestrale. La patte est déjà solide… Le jeu de Gigashvili, sur un Bösendorfer, se révèle clair, frais et virevoltant, ce qui convient très bien aux deux concertos, auxquels Howard Griffiths et l’orchestre ORF de la Radio de Vienne apportent un soutien qui aurait pu être plus léger.
Son : 9 Notice : 10 Répertoire : 9/10 Interprétation : 8,5
Jean Lacroix