A Genève, un OCL mi-figue mi-raisin

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Pour la seconde fois en cette saison 2023-2024, l’Orchestre de la Suisse Romande invite l’Orchestre de Chambre de Lausanne sous la direction de Renaud Capuçon, son chef titulaire depuis septembre 2021.

Pour commencer le programme, Renaud Capuçon est en outre le soliste du Concerto n.5 en la majeur K.219 de Mozart. Sous sa direction, l’introduction instrumentale joue sur la fluidité des lignes en contrastant les éclairages. Puis se tournant vers le public, il livre en une sonorité immaculée la cadenza précédant l’Allegro aperto où il allège le trait, au contraire du canevas orchestral qui s’épaissit grossièrement. D’emblée, s’impose une constatation : la présence des deux hautbois et des deux cors souscrivant à un sempiternel forte suffit à déséquilibrer le discours que les cordes tentent de nuancer. L’attention de l’auditeur se porte donc sur le violon solo égrenant les passaggi avec une indéniable musicalité qui se charge d’intense nostalgie dans un Adagio où affleurent les demi-teintes, notamment dans les quelques séquences où le soliste peut diriger. Finalement, les lignes se resserrent pour un Rondò où est dessinée avec finesse la ‘turquerie’ médiane.

La même discordance entre les vents et les cordes affecte la Première Symphonie en ut majeur op.21 de Beethoven. Dès les premières mesures, le cantabile des violons s’appuyant sur les cordes graves peine à se faire entendre face au mur sonore édifié par les bois, les cors, les trompettes et les timbales par deux. Par la fluidité du propos, l’Andante cantabile a meilleur sort, car s’y glissent deux ou trois pianissimi de bon augure pour ce qui suit, un Menuetto bouillonnant débouchant sur un trio en demi-teintes et un Presto final où les archets à la pointe sèche recherchent les accents afin de susciter une effervescence all’italiana

En fin de compte, la page la plus convaincante de ce programme est assurément Métamorphoses, chef-d’œuvre du dernier Richard Strauss anéanti par le bombardement du Nationaltheater de Munich le 2 octobre 1943. Cette Etude pour 23 cordes solistes a été composée entre mars et avril 1945 à Garmisch et créée à la Tonhalle de Zurich le 25 janvier 1946 par Paul Sacher et le Collegium musicum. Tenant la place de chef de pupitre, Renaud Capuçon se glisse dans les rangs pour proposer une lecture déchirante émanant de la déploration des violoncelles et contrebasses à laquelle répondent trois des premiers violons et un alto énonçant un motif consolateur. S’impose ainsi un lyrisme crépusculaire qui se laisse dynamiser par un crescendo émotionnel. Mais cette énergie revitalisante finit par se diluer en parvenant à une résignation apaisée.

Au terme de concert, le public applaudit généreusement les interprètes et se voit gratifié d’un bis, une pimpante Ouverture de la suite Masques et bergamasques de Gabriel Fauré.

Genève, Victoria Hall, le 17 janvier 2024

Paul-André Demierre

Crédits photographiques : Simon Fowler

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