Beethoven et Antonini électrisent l'Orchestre National d'Espagne

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Passage à Madrid, l’occasion d’aller écouter l’Orchestre National d’Espagne ! Des chefs invités tels Eliahu Inbal, Lorin Maazel, David Zinman ou James Conlon, c’est un signe prometteur. Pour l’heure, l’orchestre est dans les mains de Josep Pons qui a succédé à Rafael Frühbeck de Burgos et l’a drastiquement remanié.
Ce jeudi 23 mai, c’est Giovanni Antonini qui le dirige avec, en soliste, la soprano Mojca Erdmann, sortant d’une magnifique Zerline dans Don Giovanni et de Despina dans Cosi. On est capté par la pureté de la voix dont elle dose les affects avec sensibilité et intelligence dans les arias « Ah, lo previdi ! K. 272 et « Tiger ! Wetze nur die Klauen » extrait de Zaïde de Mozart. En italien ou en allemand, la diction est parfaite. La soirée avait débuté par la Symphonie en ré « pour grand orchestre » du compositeur espagnol Juan Crisostomo Arriaga, alors âgé de 18 ans. Installé à Paris dès ses 15 ans, on le disait déjà successeur de Mozart et de Schubert. Mais la mort le faucha un an après la composition de son unique symphonie. Si on ressent la jeunesse dans l’usage de procédés académiques, on est surpris par certaines trouvailles dans la conduite des phrasés et dans les choix harmoniques que détaillent avec conviction l’orchestre et le chef.
Mais la partie fulgurante de la soirée fut sans nul doute la 7e Symphonie de Beethoven qui nous était proposée. On connaît surtout Giovanni Antonini comme chef baroque à la tête d’Il Giardino Armonico. C’est oublier qu’il a aussi dirigé la Philharmonie de Berlin, le Concertgebouw d’Amsterdam, la Tonhalle de Zürich, le Gewandhaus de Leipzig ou encore Norma avec Cecilia Bartoli au Festival de Salzbourg. Aujourd’hui Giovanni Antonini est appelé à diriger le nouvel Ensemble Baroque de l’Orchestre et du Chœur National d’Espagne récemment créé. Comme nous l’ont appris les « baroqueux », Antonini détaille l’orchestration en donnant la place qui revient à chacun des pupitres pour réaliser une synthèse sonore où l’on découvre des contrechants parfois oubliés des bois, des pulsations offertes par les cordes et les basses, des assertions des cuivres souvent estompées. Antonini empoigne l’orchestre pour réaliser l’ « apothéose de la danse » en une grande fête sensuelle des corps ; on redécouvre une symphonie que l’on croyait connaître, et l’orchestre répond au quart de tour. Un grand moment de musique dont on sort « heureux ». Et pour ma part, « heureuse » d’avoir découvert l’Orchestre National d’Espagne dans l’Auditorium National de Musique à l’excellente acoustique, un vaisseau de 2200 places quasi comble à chacun des concerts détriplés !
Bernadette Beyne
Madrid, Auditorium National de Musique, le 23 mai 2014

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