Cinq cuivres et un piano pour honorer Jules Verne 

par

Albert Guinovart (°1962) : Les Aventures de Monsieur Jules, pour quintette de cuivres et piano. Francisco José Valero Castells (°1970) et Andrés Valero Castells (°1973) : Sextuor en trois mouvements, pour quintette de cuivres et piano. Salvador Brotons (°1959) : Concerto pour quintette à cuivres et piano. Albert Guinovart, piano ; Spanish Brass (Carlos Benetó et Juanjo Sema, trompette ; Manuel Pérez, cor ; Inda Bonet, trombone et Sergio Finca, tuba). 2019. Notice en catalan, en espagnol et en anglais. 77.54. Spanish Brass SB033. 

Jules Verne en musique ! Voilà une idée originale dont l’initiateur est un pianiste, compositeur et professeur catalan, Albert Guinovart, formé à Barcelone puis à Londres, où il a travaillé avec la pédagogue renommée Maria Curcio (1920-2009), qui fut l’élève d’Alfredo Casella, Nadia Boulanger et Artur Schnabel et compta parmi ses multiples étudiants Martha Argerich, Léon Fleisher ou Radu Lupu. Guinovart mène une carrière de soliste et de concertiste ; il a enregistré une trentaine de disques, notamment pour Harmonia Mundi et EMI, dans lesquels il s’attache plus particulièrement à ses compatriotes Albéniz, Turina, Granados ou Rodrigo. Comme compositeur, son catalogue comprend deux opéras, un ballet, de la musique symphonique (deux concertos pour piano), chorale et de chambre. C’est à l’initiative du Spanish Brass que Guinovart a été sollicité en 2011 pour l’écriture d’une œuvre destinée au Festival d’Alzira, cité industrielle de la province de Valence. Le Spanish Brass, qui existe depuis les années 1990, est considéré comme l’un des plus prestigieux dans le domaine de la musique pour ensemble de cuivres. Il compte à son actif plus d’une vingtaine de CD/DVD et se produit avec succès sur la scène internationale. Le présent album est bien représentatif de son art.

Albert Guinovart explique dans la notice que lorsqu’il a été contacté afin de composer pour le Spanish Brass et de jouer avec le groupe, il a décidé d’écrire pour le public une partition attractive et exubérante. Il a choisi à cet effet d’illustrer quelques aventures de Jules Verne, qu’il considère comme un auteur inscrit dans la mémoire collective. On sait que le natif de Nantes fut tenté par l’aventure de la scène théâtrale, qu’il écrivit des textes qui ont été mis en musique et qu’il collabora beaucoup avec le compositeur Aristide Hignard (1822-1898) : mélodies, chansons, pages lyriques ou opérettes. Dans ses romans, on trouve de fréquentes allusions et considérations sur la musique, et ses personnages jouent souvent d’un instrument. Guinovart a choisi six titres célèbres : Vingt mille lieues sous les mers, Michel Strogoff, Nord contre Sud, Voyage au centre de la Terre, Le Rayon vert et Le Tour du monde en quatre-vingt jours, chaque illustration musicale s’étalant sur un peu plus de six minutes, sauf la dernière qui dure plus de neuf minutes. Piano et cuivres s’en donnent à cœur joie dans ce panorama plus suggestif que descriptif, comme le précise le compositeur. Difficile en effet de faire une corrélation directe entre l’œuvre de Jules Verne et ces morceaux accessibles et sans prise de tête, tour à tour légers ou virtuoses, énigmatiques ou songeurs, savoureux ou poétiques, qui mettent bien en valeur le dialogue entre les cuivres et un piano qui vient se glisser au milieu de leurs évolutions avec une indéniable volupté. Au creux de ces musiques d’atmosphère, dont certaines ont un côté jazzifiant ou proche de la variété, chacun pourra se créer son propre imaginaire en fonction de ses lectures verniennes, passées ou récentes.

La suite du programme n’a aucun lien avec Jules Verne. Le Sextuor en trois mouvements de 1997 est une collaboration des frères Francisco José et Andrés Valero Castells, nés à Silla, dans la région de Valence. Tous deux sont compositeurs, chefs d’orchestre et enseignants. Cette œuvre à l’écoute agréable permet aux différents cuivres de se mouvoir dans un espace dynamique et juvénile, qui les met en valeur tour à tour, avec le soutien d’un piano qui se révèle dramatique, enjoué ou complice. La dernière pièce du programme, le Concerto pour quintette à cuivres, est de la main du Barcelonais Salvador Brotons ; il s’agit également d’une commande pour le Festival d’Alzira, session 2014. Le catalogue de Brotons est riche de plus de 140 numéros, essentiellement de musique pour orchestre ou de chambre. Il est en plus chef d’orchestre et a notamment été directeur musical à Vancouver. Ce concerto est construit en trois mouvements fortement contrastés : couleurs bien définies dans l’Allegro initial, harmonies détendues de l’Andantino, avec échanges décontractés entre le trombone ou la trompette avec le piano, et Presto leggero conclusif sur des rythmes soutenus. 

Les prestations des cinq cuivres sont toujours superlatives, Albert Guinovart étant aussi à l’aise au piano pour évoquer « son » Jules Verne que pour traduire les climats de ses collègues compositeurs. L’enregistrement de ce CD qui entraîne l’auditeur dans un univers original, immédiatement séduisant, mais qui n’est pas une priorité d’écoute, a été effectué avec soin en septembre 2019 dans l’auditoire municipal de Castellón, dans la province de Valence. 

Son : 9   Notice : 9    Répertoire : 7    Interprétation : 9

Jean Lacroix       

 

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