Concert de Noël au Tyrol autour d’une messe aux candeurs de terroir

par

Tiroler Weihnachtskonzert 2021. Johann Zach (1713-1773) : Missa Pastorella en ré majeur ; Christe redemptor omnium, hymne de Noël ; Eja pastorculi ; Partita pastorale. Stefanie Steger, soprano. Katrin Aunzinger, contralto. Johannes Puchleitner, ténor. Stefan Zenkl, basse. Chœur et orchestre de l’Akademie St. Blasius, Karlheinz Siessl. Livret en allemand, anglais ; paroles partiellement reproduites, en latin et traduction bilingue. Décembre 2021. TT 54’54. Musikmuseum 60 - CD 13059

« Naissance du Christ » : le titre de la gravure d'Albrecht Dürer reproduite sur la couverture situe le sujet de cet album, capté à Innsbrück dans le cadre des festivités de Noël 2021. Dans le livret, les photos laisseraient penser que l'enregistrement s'est déroulé dans une église, alors que les sessions émanent de l'acoustique mate voire ingrate du Landeskonservatorium. Ce relief accuse du moins le caractère rustique des œuvres, dont l'orchestre souligne aussi la rudesse (certes l’accompagnement de la messe se réduit à cordes et trompettes).

Le programme met à l'honneur un compositeur originaire de Bohême, qui s'illustra comme organiste à Prague dès 1732, avant que les troubles de la guerre de succession d'Autriche le menassent en Allemagne, notamment à Mayence. Là il fut engagé comme Hofkapellmeister auprès de l'archevêque, jusqu'en 1756. Désavoué (une histoire de cœur alléguée avec la fiancée d'un officier à laquelle il donnait des leçons), désargenté, il fut contraint à une carrière itinérante jusqu'à la fin de sa vie. Il se rapprocha de l'abbaye cistercienne de Stams, qui thésaurise un large catalogue de ses œuvres. Les funérailles en grande pompe qui lui furent organisées témoignent de l'estime que l'aristocratie locale lui porta.

Parmi les quelques cent-trente opus que compte son inventaire de musique sacrée, son unique messe de Noël (un genre particulièrement prisé dans la sphère d'Europe centrale) est préservée dans les archives de l'abbaye de Wilten. Elle date de la maturité de Zach, et fut vraisemblablement écrite après 1750. Le texte liturgique (non inclus dans le livret) et le traitement musical se concentrent sur ce qui relève de la Nativité. L'ordinaire de la messe s'intègre ici à une cérémonie telle que pouvaient la célébrer les congrégations tyroliennes dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Certaines séquences s’arriment quelques emprunts folkloriques, ainsi une chanson populaire tchèque dans la fugue du Gloria. Selon le livret, cette Missa Pastoralis se caractérise par « ses abrupts changements d'humeur, ses formules mélodiques idiomatiques, et ses fortes spécificités rythmiques. » Le concert s'articule avec les pages instrumentales d'une Sinfonia pastorale, avec l'hymne Christe redemptor omnium (conservée dans la splendide abbaye bavaroise d'Ottobeuren), et avec le Eja pastorculi pour voix de soprano et d’alto, garantes d'une candeur presque enfantine.

Avec l’Akademie St. Blasius qu’il dirige depuis sa fondation en 1998, Karlheinz Siessl s’acquitte d’une interprétation un brin verte et prosaïque, dans son arbre généalogique et son jus de terroir. Les quatre solistes vocaux se montrent motivés par l'enjeu, même si certaines agrestes interventions semblent caricaturales (le ténor dans le Benedictus). En tout cas, à défaut de subtilité, les charmes pittoresques opèrent à plein, et pour le pied du sapin constituent une proposition qui sort des sentiers battus.

Christophe Steyne

Son : 8,5 – Livret : 8,5 – Répertoire : 7 – Interprétation : 7

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