Concertos de Bach, transcrits pour violoncelle piccolo

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Bach transcriptions. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concertos pour violoncelle piccolo, cordes et continuo en ré majeur [d'après BWV 1054], en sol mineur [d'après BWV 1056r], en la majeur [d'après BWV 1055r], en fa majeur [d'après BWV 971, orchestré par Riccardo Doni]. Concertos pour violoncelle piccolo et continuo en ré majeur [d'après BWV 972], en ré mineur [d'après BWV 974]. Mario Brunello, violoncelle piccolo. Riccardo Doni, Accademia dell’Annunciata. Livret en anglais, français, italien. Juillet 2021. TT 79’51. Arcana A535

« Croyez-vous que je pense à vos misérables cordes quand l’Esprit me parle ! », assénait Beethoven à Ignaz Schuppanzigh, violoniste créateur de son septième quatuor, dédié au Prince Andreï Razumovsky. La notice signée de l’éminent Peter Wollny rappelle que certaines œuvres de Bach sont des créations artistiques supérieures, pas forcément pensées pour un effectif instrumental précis et donc dégagées des contingences et formats d’exécution. À l’instar de maints compositeurs de son époque, il se plia à la déclinaison de ses propres opus, comme à l’arrangement de ceux de confrères. 

Ces entreprises légitiment hier comme aujourd’hui diverses transcriptions, ainsi celles que nous propose ce disque, principalement dérivées de deux des seize concertos pour clavecin solo (BWV 972 et 974, eux-mêmes respectivement inspirés d’un concerto pour violon de Vivaldi et d’un concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello), de trois concertos pour clavecin accompagné (BWV 1054), dont deux concertos « reconstruits » pour hautbois d’amour (BWV 1055r) et violon/hautbois (BWV 1056r). Le généreux programme inclut aussi le « Concerto italien » en fa majeur BWV 971, orchestré par Riccardo Doni, directeur de l’ensemble ici entendu. Une recréation particulièrement inventive (le paysage lagunaire de la première partie !). Un brin romantisée ?

Le violoncelle piccolo appartient à ces hôtes singuliers que Bach invita dans ses cantates, même si l’on ne sait guère quel répertoire il pouvait se voir confier en propre. C’est en accompagnant le concerto BWV 1042 que Mario Brunello, quand il était jeune étudiant, cultiva l’aspiration à faire sonner le violoncelle comme un violon, relate-t-il dans le livret, justifiant implicitement le choix d’un piccolo à quatre cordes (Filippo Fasser, d’après un Amati crémonais de c1600) pour le présent disque. Lequel s’inscrit dans le sillage de deux parutions antérieures, dont la précédente, après les Sonates et Partitas BWV 1001-1006, détournait les six sonates pour violon et clavecin BWV 1014-1019.

Les voltiges du BWV 971 qui referment l’album situent quel niveau de virtuosité attendre du violoncelliste italien, qui ailleurs révèle son lyrisme aventureux (adagio BWV 1054), sa nature ardente (allegro ma non tanto BWV 1055) voire passionnelle (le relief du BWV 972 !, même si le clavecin compact apparaît assez vilain). En sus du continuo de théorbe, clavecin, et orgue de chambre, l’effectif d’une douzaine d’archets ne brille pourtant pas par sa finesse ni sa sveltesse (l’absence de tempo pour l’introduction des BWV 1055r et 1056r excuse-t-elle pareille inertie ?), d’autant qu’il apparait surgonflé par une captation épaisse et mal focalisée, -l’acoustique de l’église San Bernardino enflant les résonances du bas medium tant pour le soliste que l’orchestre. Dommage que l’on ne puisse mieux goûter la subtilité de timbre de ses instruments, la plupart historiques ou copies d’ancien.

Dans le BWV 974, les gras tuyaux, encore plombés par le violone, alourdissent au quintal les purs phrasés du soliste, tant dans un andante entravé que dans l’adagio, devenu sorte de naïade en habit de baleine. Le presto s’extrait enfin de cette couche adipeuse. Malgré une perspective sonore souvent fâcheuse quelles que soient les configurations, chambristes ou plénières, l’exercice s’avère mieux que probant et s’entend comme une flagrante démonstration, transfigurée par le zèle de Mario Brunello. Un écrin plus affûté, une prise de son qui serait passée par la cure d’amaigrissement, auraient parachevé l’enthousiasme d’une découverte dont la gourmandise, en raison même de ses opulents attraits, pèse un peu sur l’estomac.

Son : 7 – Livret : 9 – Répertoire : 9,5 – Interprétation : 8

Christophe Steyne

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