Die Tote Stadt à Toulouse : les hallucinations de Paul

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C’est dans la production de Philipp Himmelmann, réalisée en 2010 pour l’Opéra National de Lorraine, que Die tote Stadt de Korngold a fait son entrée au répertoire du Capitole de Toulouse. Une production captivante et originale qui pourtant demande une certaine familiarité avec l’œuvre pour en comprendre complètement l’action et apprécier la mise en scène dans le décor de Raimund Bauer.

Celui-ci est composé de six niches carrées, meublées identiquement d’un lampadaire avec un abat-jour rouge et un fauteuil de cuir noir. Au lever du rideau, on voit Paul assis dans une niche et quand le rideau se referme, on le retrouve dans la même position, comme si rien ne s’est passé. Entre temps pourtant nous avons vécu  avec lui son rêve et ses hallucinations, des scènes alternativement situées dans les autres niches et jouées par ses partenaires, sans interaction entre eux.

Une exception : le deuxième tableau. Selon le livret, l'action est située sur un quai désert de Bruges où Paul rencontre Marietta et ses collègues et admirateurs. Il ne s'agit pas, là non plus, d'une évocation de « la ville morte », son atmosphère ou ses processions. Nous devons nous aussi imaginer la maison de Paul avec ses accessoires et les souvenirs de Marie. Les mouvements des protagonistes sont très bien réglés et synchronisés : ainsi Paul étranglant une victime imaginaire dans sa niche et Marietta suffoquant dans la sienne. Là, elle gît tandis que Paul reprend sa place et que l’orchestre s’éteint lentement en d'ultimes accords émouvants. Paul ne quitte donc pas la maison-tombeau -comme indique le livret. C’est ici une des libres interprétations de Philipp Himmelmann à l'image de la présentation des collègues et amis de Marietta en groupe carnavalesque, grotesque et barbouillé (costumes signés Bettina Walter).

D'autres options interrogent. La présentation de Marietta évoque davantage une prostituée qu'une jeune femme libre et hardie. Evgenia Murareva lui donne jeunesse, tempérament et un soprano ample mais elle pourrait apporter plus de nuances à son interprétation. Elle n’a pas encore l’expérience du rôle comme Torsten Kerl qui depuis des années est un remarquable interprète de Paul dont il évoque les sentiments et les tourments de son ténor bien contrôlé au métal luisant. Katharine Goeldner offre une voix ferme et un beau profil à la soucieuse Brigitta, et Matthias Winckhler campe un Frank sympathique, ami et confident. Des amis et de la troupe de Marietta se détache Thomas Dolié (Fritz) qui, de sa voix impressionnante, enchante le public avec sa belle interprétation de la romance de Pierrot. Bonne prestations du chœur et de la maîtrise du Capitole. A la tête de l’orchestre, Leo Hussain fait vibrer la partition du jeune Korngold et déploie toutes ses richesses et réminiscences sonores dans un torrent d’émotions et de poignants moments dramatiques.

Erna Metdepenninghen

Toulouse, 28 Novembre

Crédits photographiques :  Patrice Nin

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