Eric Heidsieck, une biographie musicale 

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Eric Heidsieck : The Complete Erato & HMV Recordings. Ludwig van Beethoven (1770-1827), George Frideric Handel (1685-1759), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Felix Mendelssohn (1809-1847), Johannes Brahms (1833-1897), Paul Hindemith (1895-1963), Frédéric Chopin (1810-1849), Franz Liszt (1811-1886), Gabriel Fauré (1845-1924), François Couperin (1668-1733), Maurice Ravel (1875-1937), Claude Debussy (1862-1918), Albert Roussel (1869-1937). 1957-1974. Eric et Tania Heidsieck, piano ; Paul Tortelier, violoncelle ; Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, André Vandernoot ; Orchestre de l'Association des Concerts Colonne, Pierre Dervaux.  Livret en : français, anglais et allemand. 1 coffret de 27 CD Erato. Référence 0 190295 187590. 

Erato remet en coffret l’intégrale de ses enregistrements du pianiste français Eric Heidsieck. Dans le panthéon des pianistes français, ce musicien occupe une place à part. Auteur d’une numériquement assez considérable discographie, compositeur à ses heures perdues et star au Japon, le musicien est connu des mélomanes pour son intégrales des Sonates pour piano et des Sonates pour violoncelle et piano (avec Paul Tortelier), piliers des rééditions des collections économiques de feu EMI. 

Beethoven était ainsi le cœur de répertoire de ce musicien. Le grand sourd était au programme de son premier album pour la filiale française d’EMI, la Voix de son maître, en 1958 : rien moins que la Hammerklavier pour bien occuper les deux faces du LP ! Le pianiste pratiquait assidûment l'intégrale des sonates au concert, habitude alors peu usuelle pour un pianiste français tant ses contemporains sélectionnaient un bouquet d’entre-elles. Avec les développements de la stéréophonie, le label lui demande de graver l’intégrale pour ses micros. Entre 1967 et 1973, Eric Heidsieck enregistre méticuleusement pour la postérité son premier cycle complet des sonates de Beethoven. A la réécoute, cet ensemble impressionne pas sa hauteur de vue et la maîtrise contrastées du ton des oeuvres abordées avec une puissance visionnaire qui ne cède en rien aux sommets de la discographie d’alors : Backhaus/Decca ou Kempff/DGG (dont Heidsieck suivit les cours) ! 

Mais si Beethoven occupe une place centrale dans la carrière d’Eric Heidsieck, il ne faut pas limiter le musicien à ces frontières. Le coffret permet de redécouvrir des merveilles dont certaines avaient quitté les bacs et les plateformes depuis un bon moment. Avec l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire sous la baguette du grand chef belge (et trop oublié) André Vandernoot, le musicien propose les Concertos n°21, n°24, n°25 et n°27 de Mozart  qui furent primés du Grand prix du disque. On admire la fraîcheur du toucher et le ton conquérant de ces lectures, dirigées avec soin par notre compatriote. Du côté des concertos, on sera moins convaincus par les Concertos n°1 de Chopin et Liszt accompagnés par la vénérable Association des Concerts Colonne sous la baguette de Pierre Dervaux ; c’est assez épais de trait et fort mal servi par une prise de son peu flatteuse. 

Élève d’Alfred Cortot, le musicien ne pouvait pas s’affranchir de la musique française. Ses Nocturnes de Fauré sont des références de la discographie par leur sens narratif et leurs contrastes de couleurs. Dans Ravel, Debussy ou Roussel, le pianiste est exemplaire avec un jeu très contrôlé mais poétique qui le rattache à la grande tradition du piano français. 

Du côté des chemins de traverses, on retrouve une sélection de Suites de Haendel et surtout des Sonates d’Hindemith dans des lectures parfois étonnantes, mais foncièrement passionnantes par la vie insufflée. On est ici loin des exercices de styles moralisateurs dans Haendel et des leçons socratiques et didactiques, d’une intimidante et pesante germanité moderniste, dans Hindemith qui finalement n’a rarement sonné aussi humain. Enregistrées au Japon par la filiale japonaise Toshiba EMI, les Sonates n°8 et n°14 de Mozart ainsi que la Fantaisie en Ut mineur, cernées dans un geste déclamatoire et dramatiquement tendu ; ici point de joliesse mais un Mozart qui regarde vers Beethoven.  

Chambriste accompli, Heidsieck fut le partenaire privilégié du violoncelliste Paul Tortelier pour des Sonates de Beethoven et de Fauré, là encore références incontournables par le style et le ton. Avec son épouse Tania, ils formèrent un duo des plus demandés : des enregistrements de Brahms, Liszt (Concerto pathétique), Beethoven et Ravel (Ma Mère l’Oye), illustrent l’entente et la musicalité de ce duo. 

Ce beau coffret est à thésauriser pour le panorama complet qu’il offre de l’art de cet élégant pianiste qui occupe une place majeure dans l’art français de l’instrument. 

Son : 8 - Livret : 7 - répertoire 10 - Interprétation : 9 

Pierre-Jean Tribot 

    

 

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