« Fauré ou le dernier amour » : un voyage hors du temps par Pascal Quignard et Aline Piboule

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Partenaires artistiques depuis quelques années, l’écrivain Pascal Quignard et la pianiste Aline Piboule poursuivent leurs « récits-récitals » qu’ils conçoivent ensemble. Après Boutès ou le désir de se jeter à l’eau et Ruines, ils célèbre les 100 ans de la disparition de Fauré à travers sa relation avec Marguerite Hasselmans dans les 25 dernières années de la vie du compositeur français. Le concert, présenté à La Philharmonie de Paris dans le cadre du week-end Fauré, est en collaboration avec le Palazzetto Bru Zane.

Intitulé « Fauré ou le dernier amour », le récit inédit de l’auteur de Tous les matins du monde retrace chronologiquement la complicité entre Gabriel Fauré et Marguerite Hasselmans, rencontrés en 1900, respectivement à l’âge de 55 ans et de 24 ans. Fabuleux conteur à une voix mi-rauque, Pascal Quignard fait revivre leur relation, avec des anecdotes (notamment sur la moustache de Fauré) et des réflexions sur la vie musicale parisienne rapportées par différents artistes de l’époque. Chaque évocation, en alternance avec l’interprétation pianistique, n’est jamais trop longue ni trop courte, laissant ainsi aux auditeurs le temps de songer au quotidien du compositeur et savourer la musique.

Aline Piboule inaugure le piano Gaveau modèle n° 5 de 1929 du Musée de la Musique après une importante restauration. La pianiste dit avoir dû s’approprier, pendant quelques semaines avant ce concert, le caractère de cet instrument, l’un des derniers pianos de concerts fabriqués en France au XXe siècle. Sa sonorité affirmée et enracinée, notamment dans les graves, donne une résonance très riche. Cette caractéristique, particulièrement propice aux harmonies fauréennes très personnelles qui se dilatent de plus en plus, est pleinement mise en valeur par la pianiste. Elle insiste sur le côté consistant, voire terrien, de la musique de Fauré qu'on ne soupçonne pas habituellement. Ainsi, entre l’éther et la terre, elle montre majestueusement, sans aucun maniérisme, toutes les expressions fauréennes. Elle se présente en ce sens en initiatrice de sa musique parfois difficile à cerner, non seulement avec des Nocturnes et des Barcarolles, mais aussi des œuvres relativement rares : Improvisation op. 84 n° 5 (1901) et des extraits des Thème et variations en ut dièse mineur (1895). Les deux artistes nous ont ainsi emmenés, pendant 75 minutes, dans un voyage cent ans en arrière, mais en réalité hors du temps.

Concert du 27 janvier 2024, Amphithéâtre de la Cité de la Musique, Paris.

Victoria Okada

Photos © Jean-Baptiste Millot

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