Fertiles influences franco-flamandes au temps du Siècle d’or espagnol

par

Canto a mi Caballero. Œuvres d’Antonio de Cabezón (1510-1566), Alonso Mudarra (1510-1580), Nicolas Gombert (1495-1560), Hernando de Cabezón (1541-1602), Luys de Narváez (c1500-1555), Cipriano de Rore (1515-1565), Diego Ortiz (1510-1570), Cristobal de Morales (1500-1553), Jacques Arcadelt (c1505-1568). Capriccio Stravagante. Skip Sempé, clavecin, virginal. Jay Bernfeld, Anne-Marie Lasla, Christine Plubeau, Françoise Enock, viole de gambe. Patricia Lavail, flûte à bec. Mike Fentross, vihuela, chitarrone, guitare. Massimo Moscardo, Benjamin Perrot, guitare. Françoise Johannel, harpe. Septembre 1998, rééd. 2023. Livret en anglais, français, espagnol. TT 57’58. Paradizo PA0021

Le label Paradizo réédite sous son étiquette cet enregistrement de septembre 1998 initialement publié chez Astrée. Pour ce rhabillage, le pelage équin de la couverture laisse place à une fière monture, allusion au Canto a mi Caballero : ce populaire air espagnol qui inspira plusieurs compositeurs de la Renaissance, que ce soit au gré d’une messe de Cristobal de Morales, d’un cantus firmus de Nicolas Gombert, ou d’une série de variations ciselées sur le canto llano del Cavallero. Voilà planté le décor de ce programme, illustrant la perméabilité des idiomes. Un réseau qui témoigne de l’ascendant des polyphonistes franco-flamands sur la production musicale à la Cour de Charles V et Philippe II. Une influence parfois réciproque voire inattendue, si l’on considère l’impact sur William Byrd d’un Antonio de Cabezón, qui joua aux noces de Philippe et Mary Tudor.

À la faveur des compositeurs nordiques convoités en capilla flamenca, ce trésor mélodique de l’époque se projette dans des recréations ibériques qui les assimilent, les glosent, par des arrangements confiés à des instruments de prédilection comme le clavier ou la vihuela da mano. Structuré en sept parties, le CD échantillonne une sélection de célèbres chansons et danses du temps, d’auteurs notoires ou anonymes : Mille regretz d’après Josquin des Prez, Je prens en gré la dure mort d’après Thomas Créquillon, Anchor che col partire d’après Cipriano de Rore, La Gallarda Milanesa, Las Vacas… Un fonds des oltre montani acclimaté dans l’épiphanie d’une forme d’expression nouvelle, que Skip Sempé dans sa notice investit du duende, et d’une attitude préconisant l’affect.

Une fine sensibilité qui s’incarne dans un grisant écheveau de timbres, décliné en divers consorts incluant cordes pincées, violes, flûte à bec, clavecin, virginal, et restitué par une captation limpide et chaleureuse, réalisée au Temple de l’Ascension et remasterisée par Hugues Deschaux. Ce répertoire baigné d’invention permet de retrouver l’âge d’or de l’ensemble fondé par Skip Sempé, alors actif depuis une dizaine d’années. La sixième page salue la mémoire du violoncelliste Michel Murgier qui passa dans les rangs de Capriccio Stravagante et auquel ce disque est dédié. Plusieurs chansons touchantes, dont les paroles sont reproduites en langue originale dans le livret, entrent en résonnance avec cet hommage à la « voix disparue », et prolongent l’émotion que soulève cet attachant parcours dans l’apogée du Siglo de Oro.

Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 9-10 – Interprétation : 9,5

Christophe Steyne

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