Festival Verdi : la soif du pouvoir

par

Macbeth © Jean-Pierre Maurin

Les deux autres opéras à l’affiche avec « Don Carlos » (1867) dans le « Festival Verdi » de l’Opéra de Lyon , « Attila » et « Macbeth », précèdent ce « grand opéra français » de vingt ans. Et bien que seulement un an sépare « Attila » (1846) de « Macbeth » (1847)  la confrontation des trois partitions est plus qu’intéressante et donnait pleine d’occasions à Daniele Rustioni, le chef permanent de l’Opéra de Lyon et son orchestre d’illustrer leurs interprétations.

Il attaqua « Attila » plein d’élan et de dynamisme et présentait une interprétation fougueuse de cet opéra du jeune Verdi, mais nous réservait aussi de beaux moments lyriques et des subtiles pages descriptives (lever du soleil, nuit de lune). Ainsi, même dans cette version de concert, Aquilée et la lagune adriatique surgissaient devant nos yeux tandis que la confrontation entre les Huns et les Romains devenait palpable. Cela aussi bien sûr grâce à l’engagement et l’interprétation des solistes, en premier lieu la basse Dmitri Oulianov qui donnait autorité et tempérament à Attila, chef vainqueur et trahi, chantant avec sa voix de basse homogène et solide capable de de nuances subtiles. Odabella trouvait dans Tatiana Serjan une interprète d’une grande force dramatique et expressive dotée d’un soprano d’acier qui attaquait la tessiture exigeante avec virtuosité. Alexeï Markov prêtait son baryton souple et son chant élégant au Romain Ezio qui rêve de régner sur l’Italie et était un digne adversaire du chef des Huns dans leurs confrontations. Foresto avait le ténor clair et lyrique de Massimo Giordano qui manquait parfois un peu de force mais présentait une interprétation engagée. Bonne prestations des chœurs dans leurs différents emplois.

« Macbeth » était présenté dans la production de l’Opéra de Lyon de 2012 dans une mise en scène de Ivo van Hove, décors et lumières de Jan Versweyveld, costumes Wojciech Dziedzic, vidéo Tal Yarden. C’est un spectacle réalisé avec grand professionnalisme, visuellement souvent impressionnant mais qui pose bien des questions. Pour van Hove le pouvoir se trouve dans le monde des finances et il situe toute l’action dans une grande salle de marchés pleine d’ordinateurs et écrans où les employées tiennent le rôle des sorcières. Dans ce contexte il est difficile de situer le déroulement du drame (par exemple le meurtre de Duncan qui apparemment est accompagné d’une petite-fille, la scène dans le repaire des sorcières ou la fin de l’opéra quand les troupes de Malcolm deviennent des « indignés » de « Occupy Wall Street » et Macbeth (qui a lui-même égorgé sa Lady) un triste survivant). Les images vidéo sont parfois envahissantes mais aussi bien suggestives (meurtre de Banco, scène des apparitions). Mais il faut reconnaitre que le spectacle est très bien réglé et que la direction des acteurs et des chœurs dans ce contexte est remarquable même si pas toujours convaincante. Belle prestation du baryton Elchin Azizov dans le rôle- titre : voix ample, bien timbrée d’une chaude couleur, chant expressif et nuancé et acteur convaincant. Sa Lady Macbeth avait la belle figure et le soprano musclé de Susanna Branchini, interprète engagée qui manque pourtant un peu de personnalité et de force. Comme Banco Roberto Scandiuzzi faisait résonner sa basse encore toujours sonore. Arseny Yakovlev (Macduff) qui avait bien commencé sa prestation, apparemment avait des problèmes au moment d’attaquer son air « Ah, la paterna mano ». Louis Zaitoun était un Malcom poids léger, Patrick Bolleire (médecin) et Clémence Poussin (suivante) faisaient un sans- faute. Les chœurs de l’Opéra de Lyon (chef Marco Ozbic) se distinguaient dans leurs différents emplois. Daniele Rustioni dirigeait l’orchestre bien disposé d’une main enthousiaste mais pas toujours assez ferme, précise ou nuancée.
Erna Metdepenninghen
Lyon, Festival Verdi, les 16 et 17 mars 2018

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