Florilège pasquinien sur un capiteux clavecin 

par

Bernardo Pasquini (1637-1710) : Toccata Ottava ; Partite diverse di Follia ; Ricercar in D, sol re ; Variazioni Per Francia ; Canzona francese in f fa ut ; Tastata Per Milone Napoli Iuglio 98 ; Alemanda ; [Corrente] ; Passagagli ; Pastorale ; Partite del Saltarello ; Tastata Quarta Per Francia ; Altra [Alemanda] ; Corrente ; [Giga] ; Fantasia in e, la, mi ; Tastata 4 dicembre 1708 ; Sonata. Andrea Chezzi, clavecin. Juin 2023. Livret en anglais, italien. TT 51’23. Urania LDV 14106

Déjà remarqué dans deux albums consacrés au second XVIIIe siècle italien (Cimarosa et Galuppi, chez Brilliant), Andrea Chezzi nous revient avec un récital entièrement dédié à Bernardo Pasquini. Un compositeur que convoitaient les Cours d’Italie et d’ailleurs (Leopold I de Habsbourg échoua à s’attacher son talent) et dont l’enseignement était avidement recherché (Georg Muffat, Johann Philipp Krieger comptèrent parmi ses élèves). À l'Accademia della Morte, il succéda à deux organistes de renom, Luzzasco Luzzaschi (c1545-1607) et Girolamo Frescobaldi (1583-1643). Avant de rejoindre le prestigieux cénacle de l'Accademia dell'Arcadia, celui que Christine de Suède surnomma le « Principe della Musica » se plaça pendant plusieurs décennies au service de la famille Borghese.

Cette notoriété de musicien, distingué improvisateur, explique peut-être la rareté de son œuvre légué pour le clavier, tant sa réputation suffisait à sa gloire, sans souci de postérité ni de complaisance envers un auditoire de notables qui lui était acquis. Trait d’union entre Frescobaldi et Domenico Scarlatti, cette production échappa à la publication et survit essentiellement en manuscrits, aujourd’hui archivés dans les bibliothèques de Berlin et Londres. La discographie inclut les réalisations de Roberto Loreggian (Chandos, et un coffret Brilliant) ainsi que, pour le seul clavecin, les deux superbes disques de Rinaldo Alessandrini (Astrée, octobre 1990) et Luca Guglielmi (Stradivarius, avril 2003).

Introduites par des toccatas ou pièces apparentées à cette forme libre, les différentes sections du présent programme couvrent la variété des genres abordés par Pasquini : Variations (dont sur le célèbre air de La Follia), Canzona, danses nobles (il expérimenta l’ascendant de la Cour française, pour s’être probablement produit devant Louis XIV lors d’un déplacement en 1664 avec le cardinal Flavio Chigi), maillages contrapuntiques (Ricercar, Fantasia…). Certaines partitions sont plutôt destinées aux tuyaux mais se prêtent ici au clavecin, en l’occurrence celui de la forteresse Rocca di Fontanellato, près de Parme.

Cet précieux et anonyme vestige à deux claviers, début XVIIe siècle, est capté dans son environnement habituel : un salon cossu sous plafond à solives, dont la mate acoustique s’inscrit dans une étroite perspective. Ce cadre intimiste sertit le jeu serré d’Andrea Chezzi, qui compense une palette de couleurs plutôt congrue par un graphisme capiteux, jusqu’à une Sonata d’inspiration violonistique, habilement déliée et mélodieuse. Sur cet instrument ligneux et minéral, qui focalise les polyphonies non sans une certaine sévérité, l’interprète italien aura visité son parcours en respectant les styles et influences qui s’expriment dans ces pages. Il signe une anthologie succincte mais intense et sans temps mort : un portrait volontiers archaïsant, et néanmoins bienvenu, du Protico Azetiano.

Son : 8 – Livret : 8,5 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

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