Gerd Schaller poursuit son intégrale de Bruckner : la Symphonie n° 2, version 1877

Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 2 en ut mineur, version 1877. Philharmonie Festiva, direction Gerd Schaller. 2023. Notice en allemand et en anglais. 55.11. Profil Hänssler PH23085.

Originaire de Bamberg, le chef allemand Gerd Schaller (°1965) a dirigé, dès 1990, le Festival d’Ebrach, en collaboration avec le Studio de Franconie de la Radio bavaroise, et a fondé en 2008 le Philharmonie Festiva, orchestre qui rassemble des membres des Münchner Bachsolisten et des musiciens issus de plusieurs phalanges allemandes. Il met alors en place un projet qui consiste à enregistrer, durant la quinzaine d’années le séparant du bicentenaire de la naissance de Bruckner, l’intégralité des pages symphoniques du compositeur autrichien, dans toutes les versions existantes possibles. Les prises de son ont lieu majoritairement dans l’église de l’ancienne abbaye d’Ebrach, à une quarantaine de kilomètres de Bamberg. 

En 2022, le label Profil a regroupé en un coffret de 20 CD les symphonies déjà gravées, sur la base des travaux du musicologue William Carragan (°1937), mais cette édition n’était pas une intégrale absolue. Des versions de certaines symphonies n’étaient pas présentes, l’ensemble étant complété par des pages sacrées et pour orgue. L’’aventure s’est poursuivie. Ici, c’est le tour de la Symphonie n° 2, dans sa version de 1877, enregistrée en octobre 2023, toujours à Ebrach. Les gravures brucknériennes de ce chef consciencieux, dont la discographie montre par ailleurs l’intérêt pour des œuvres peu jouées (Mayr, Goldmark, Suppé…) ont été diversement accueillies, certains les considérant comme remarquables, d’autres comme trop sages et manquant de flamme et de ferveur. En témoignent deux avis opposés parus dans les colonnes de Crescendo, l’un, sévère, de Bernard Postiau, le 19 septembre 2014, pour la Cinquième, un autre plus positif, de Jean-Marie André, le 15 juin 2019, pour la Neuvième, avec apport d’un quatrième mouvement. Dans le cas de la présente Deuxième, la vérité semble se trouver entre les deux positions. 

Écrite d’octobre 1871 à septembre 1872, cette Deuxième, plus aérée, « calme et disciplinée », selon les propos de Bruckner lui-même, que la Première, a reçu un accueil favorable lors de sa création à Vienne le 26 octobre 1873, sous la direction du compositeur lui-même. Son audience a cependant toujours été moins importante que celle des autres symphonies ; c’est immérité, car elle contient des beautés mélodiques et ne manque pas de souffle. Elle a connu des retouches au fil des années, entre 1873 et 1892, qui consistent en quelques coupures. La version Carragan de 1877, qui met la seconde moitié de la deuxième partie du mouvement lent en optionnel, a déjà été gravée par Daniel Barenboim avec la Philharmonie de Berlin (Teldec, 1997, une édition avant tirage), Paavo Järvi avec la Radio de Francfort (Sony, 2011, notre préférence), Mario Venzago avec le Northern Sinfonia (CPO, 2012) ou par Marek Janowski, avec l’Orchestre de la Suisse romande (Pentatone, 2013). 

Avec le Philharmonie Festiva, Gerd Schaller dispose d’une phalange de circonstance dont on ne niera pas les qualités, mais dont le travail en profondeur manque parfois de grandeur. Cette Deuxième comporte néanmoins des qualités de fraîcheur et d’élans bienvenus, notamment dans l’Andante, qui est proposé, selon les propos de Schaller lui-même dans la notice, comme un vaste paysage sonore qui engloberait l’intimité, la proximité avec la nature et l’humanité. La poésie y est présente. Le Scherzo et le Final sont joués avec allant et vivacité, et dans le souci d’un équilibre des masses sonores. Globalement, cette gravure en public trouve sa place dans l’intégrale symphonique définitive, que Profil nous proposera peut-être lorsque toutes les versions existantes auront été gravées. 

Son : 8,5  Notice : 9  Répertoire : 9  Interprétation : 7,5

Jean Lacroix