Hélène Desaint, l'alto remarquable

par

Robert Schumann (1810-1856) : Märchenbilder, Op. 113 pour alto et piano*, Romances, Op. 94 pour alto et piano*, Märchenerzählungen, Op. 132 pour alto, clarinette et piano°. György Kurtág (1926) :  Signes, jeux et messages pour alto solo, Hommage à R. Sch. pour alto, clarinette et piano°. Hélène Desaint (alto), Ronald Van Spaendonck (clarinette), Louis Lortie* et Nathanaël Gouin° (piano). Fuga Libera FUG 611 - DDD - 2018 - 60’48 - Textes de présentation en anglais et français.

C’est un disque remarquable que signe ici la jeune altiste française Hélène Desaint qui, pour un premier enregistrement, n’hésite pas à s’attaquer à la musique de deux compositeurs qui exigent de leurs interprètes avant tout -et bien au-delà de la technique indispensable- un sens du mystère et de la poésie pour accéder à un art si difficile à cerner.

Dès le premier des Märchenbilder Op. 113 qui ouvrent ce disque, on admire la magnifique sonorité que la musicienne tire de son Giuseppe Sgarbi de 1882, et en particulier ses graves de bronze et d’une clarté parfaite. Elle trouve sans difficulté le ton héroïque du Lebhaft où son élan rythmique emporte tout devant lui. Le Rasch est plein de vie et surtout de cette veine de fantaisie si typiquement schumanienne. Quant au Langsam qui conclut l’oeuvre, il est magnifiquement déclamé par Hélène Desaint qui tire de magnifiques couleurs de son instrument. Elle a ici, comme dans les Romances Op. 94, la chance d’avoir pour partenaire ce musicien fin et racé qu’est Louis Lortie dont le piano chante autant que l’alto.

Originellement conçues pour hautbois et piano, les trois Romances sont interprétées ici par des musiciens au meilleur de leur forme, avec un lyrisme à la fois profond et aisé, sans jamais forcer le trait et -dans le chef de l’altiste- un naturel confondant dans la façon de galber une mélodie. Plutôt que d’être classiquement jouées à la suite, les Romances alternent ici avec cinq pièces tirées des Signes, jeux et messages de Kurtág, dont Hélène Desaint livre une version passionnante où elle réussit -comme plus tard dans l’Hommage à R. Sch. où elle bénéficie de la complicité du piano de Nathanaël Gouin et de la clarinette de Ronald Van Spaendonck- à capter avec une sûreté confondante la nature même de cette poésie si particulière qui s’exprime dans des pièces dont la profondeur va généralement de pair avec une très grande brièveté (elles dépassent rarement la minute), et où l’alliance d’elliptique concision, d'ascétique poésie, de sensibilité à fleur de peau et d’une espèce d’irréductible dureté minérale fait beaucoup penser à Webern, tellement elle réclame de concentration et d’écoute active de l’auditeur qui est en revanche abondamment payé en retour.

Desaint, Gouin et Van Spaendonck reviennent à Schumann dans les Märchenerzählungen Op. 132 où ils servent à nouveau magnifiquement la musique dans des dialogues alto/clarinette tour à tour espiègles et lyriques, toujours soutenus par le piano solide et amical de Nathanaël Gouin.

Son: 10 - Livret: 10  - Répertoire: 10 - Interprétation: 10

 

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