Huis clos lyrique

par

Philippe BOESMANS (°1936)
Au monde
Frode OLSEN (basse), Werner VAN MECHELEN (baryton basse), Stéphane DEGOUT (baryton), Yann BEURON (ténor), Charlotte HELLEKANT (mezzo-soprano), Patricia PETITBON (soprano), Fflur WYN (soprano), Ruth OLAIZOLA (comédienne), Orchestre symphonique de la Monnaie, dir. : Patrick DAVIN
2015–DDD–69’ 44’’ et 44’ 57’’– Texte de présentation en français, néerlandais et anglais–Cypres CYP 4643

Les nombreux admirateurs de Philippe Boesmans sont gâtés : l’enregistrement de son opéra Au monde est désormais disponible chez Cypres avec tous les chanteurs, les musiciens et le chef d’orchestre, qui ont participé à sa création mondiale, en mars 2014 à la Monnaie à Bruxelles. Basée sur une pièce écrite en 2004 par le dramaturge et metteur en scène français Joël Pommerat, l’œuvre est un huis clos lyrique que ce dernier n’a pas hésité à présenter dans une interview à Monnaie Magazine comme « un croisement entre Les Trois Sœurs de Tchekhov et l’ambiance de Maeterlinck ». L’intrigue se déroule en effet dans la famille d’un riche industriel, où l’on attend le retour du fils cadet amené à reprendre les affaires de son père. Mais son arrivée met à jour toute une série de tensions, de conflits et de désaccords entre les divers membres de cette famille. Lesquels révèlent chacun, au fur et à mesure qu’ils s’expriment et se confessent, leur nature la plus profonde et la plus secrète, de telle sorte que ce qui paraissait au départ une simple formalité devient très vite un angoissant psychodrame.
Par rapport aux autres opéras de Philippe Boesmans, que ce soit La Passion de Gilles en 1983, Reigen en 1993, Wintermärchen en 1999, Julie en 2005 ou bien Yvonne, princesse de Bourgogne en 2009, Au monde s’arcboute autour d’une partition à la fois plus traditionnelle et plus contrastée, avec de fréquents accents debussystes – Debussy donnant même l’impression de constituer la toile de fond de l’œuvre, de la première et la dernière des vingt scènes qu’elle comprend. Mais il y a chez le compositeur belge natif de Tongres une constante recherche de sonorités suaves et voluptueuses, qui le distinguent de l’auteur de Pelléas et rendent sa musique si charnelle. En assistant à une représentation d’Au monde, ou en l’écoutant sur disque, on sent en effet que Philippe Boesmans est un artiste habité, comme hanté par les univers sonores (qu’il a découverts en autodidacte). Et on sent aussi qu’il aime la voix humaine et qu’il veille à ce que tous les chanteurs de son opéra éprouvent un réel plaisir à interpréter leur personnage, à jouer ensemble, quelle que soit l’importance de leur rôle respectif. Une manière d’envoûtement.
Jean-Baptiste Baronian

Son 7 – Livret 8 –  Répertoire 9 – Interprétation 9

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