Ingrid Haebler : un nouvel éclairage sur Schubert

par

Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en sol majeur, op. 78, D. 894 ; Quatre Impromptus pour piano en do mineur, op 90, D. 899. Ingrid Haebler, piano. 1954. Livret en allemand, français. 61’ 18”. SWR Classic SWR19435CD

Souvent critiquée pour son répertoire limité s’étendant qu’au classicisme et romantisme, la pianiste autrichienne Ingrid Haebler, décédée le 14 mai dernier, se voit offrir une nouvelle réédition de quelques uns de ses enregistrements de la musique de Schubert. Prisée pour ses interprétations de Mozart dans lesquelles les critiques y relèvent un parfait équilibre entre rubato et simplicité, celles de Schubert ont quant à elles été souvent ignorées. 

Dans la Sonate en sol majeur op. 78, Haebler impressionne dès les premières notes avec un son pianissimo qui respire contrôle et maîtrise. Elle parvient à capturer l'essence mélancolique et intimiste de ce premier mouvement tout en assurant le lyrisme caractéristique de la musique de Schubert. De manière remarquable, le caractère vieilli de l'enregistrement ne fait qu'accentuer ces émotions, ajoutant une touche d'authenticité et de nostalgie non négligeable. Cependant, dans l'Andante qui suit, une certaine rigidité dans son jeu se fait ressentir, donnant l'impression d'une interprétation quelque peu scolaire. Les triples croches, jouées d'une manière relativement mécanique, semblent faire perdre au deuxième mouvement son côté rêveur et poétique qui est pourtant essentiel. Malgré cela, la virtuosité et l'élégance de Haebler restent indéniables, et l'ensemble de l'enregistrement témoigne de son talent exceptionnel. Si le premier mouvement nous séduit par sa profondeur émotionnelle, nous aurions peut-être souhaité que le caractère onirique du deuxième mouvement soit davantage mis en avant. Le troisième mouvement, relativement transitoire, fait quant à lui prélude à un Allegretto vivant, mais toujours enlisé dans une retenue bien présente. 

C’est cependant dans les Quatre impromptus que le jeu de la pianiste s’épanouit. En choisissant un tempo légèrement plus rapide que ce à quoi nous sommes habitués, elle livre une interprétation sobre et en toute modestie du premier impromptu, tout en restant fidèle au style schubertien. Dans le deuxième, c’est sa maîtrise technique qui est frappante. Son légato époustouflant nous séduit, remarquablement ponctué de très peu de pédale, rappelant ainsi l'interprétation de la pianiste néerlandaise, Gile Bae. Nous regretterons seulement la pauvre qualité d’enregistrement du troisième impromptu qui rend que très peu hommage au jeu de Haebler. Quant au quatrième, il se montre légèrement rigide et peut-être un peu trop hâtif, ce qui pourrait être ajusté pour atteindre une interprétation encore plus équilibrée et nuancée. Malgré cela, Haebler démontre une fois de plus dans cette dernière pièce sa virtuosité et son engagement, offrant ainsi des moments musicaux raffinés et hors du temps.

Dans l’ensemble, Ingrid Haebler nous offre une expérience musicale captivante, nous transportant à travers les émotions et les nuances de Schubert. Son talent incontestable et son dévouement à la musique éclatent à travers chaque note, laissant une impression durable sur nos oreilles. Malgré quelques petites interrogations, sa maîtrise technique et sa capacité à créer pléthore d’atmosphères font d'elle une interprète complète dont les enregistrements ont fait et font toujours l’histoire de la musique. 

Note globale : 7.5/10 

Clément Bellenger

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