Hommage vocal et instrumental à L’Annonciation de Memling
Gratia Plena / To Memling. Hayne van Ghizeghem (c1445-1493) : De tous bien plaine. Alexander Agricola (c1445-1506) : De tous bien plaine. Jacob Obrecht (c1457-1505) : Kyrie [Missa De tous bien plaine] ; Gloria [Missa Maria Zart]. Loyset Compère (c1445-1518) : Dictes moy toutes vos pensées. Jean Mouton (c1459-1522) : Agnus Dei [Missa Dictes moy toutes vos pensées]. Antonio de Cabezon et al. (c1510-1566) : Benedicta es. Guillaume Dufay (1397-1474) : Vergina Bella. Plainchant (Adam de Saint-Victor, Petrus Abaelardus & anonymes). Psallentes. Elisabeth Colson, Lisa De Rijcke, Lieselot De Wilde, Barbara Somers, Kerlijne Van Nevel, Veerle Van Roosbroeck, chant. The Royal Wind Music. Petri Arvo, Verena Barié, Francesca Clements, Hester Groenleer, Marco Magalhaes, Maria Martinez Ayerza, Juho Myllylä, Anna Stegmann, Margarida Yokochi, flutes à bec. 2023. Livret en anglais, français, néerlandais ; paroles en latin, traduction trilingue. TT 70’56. Le Bricoleur LBCD/14
En décembre 2020, un retable de Hans Memling (c1435-1494) inspirait à Wim Becu une magnifique fresque sonore autour de l’ascension du Christ, son règne céleste, cela dans un décor marial tissé d’hymnes. Conservée au Metropolitan Museum of Art de New York, L’Annonciation féconde les associations musicales à son tour imaginées par le présent album, qui se demande « ce que pense Marie, ce qu’elle ressent et comment la scène se poursuit », selon la concise notice du CD. Devenu citoyen brugeois en 1465, le peintre allemand justifie par sa cité d’élection le répertoire franco-flamand ici abordé, et le recours au Graduel de Bruges parmi les incursions plain-chantesques, par ailleurs empruntées à Adam de Saint-Victor et Petrus Abaelardus.
Le disque commence par un hommage aux grâces de la Vierge (De tous bien plaine, psalmodié par les flûtes) et une salutation (Salve Mater Salvatoris) qui pourrait être celle de l’archange Gabriel. Le programme interroge ensuite le visage songeur (Dictes moy toutes vos pensées) de la mère de Jésus, admire sa sainteté (Benedicta es), célèbre l’Épouse bénie au gré de l’Ephitalamica, et conforte le portrait de sa beauté et sa douceur par un motet de Dufay, puis deux arrangements instrumentaux puisés au Buxheimer Orgelbuch –tout en n’oubliant pas d’évoquer l’allégorie de l’Étoile de la mer (Stella Maris). Sans respecter l’ordonnancement liturgique, des extraits de messes de Jean Mouton et Jacob Obrecht s’invitent, jusqu’à la louange d’un Gloria in excelsis Deo, culmination du polyptique et plus longue étape de ce CD.
Autant immaculé dans les séquences grégoriennes que dans les polyphonies, le chant confié à l’ensemble féminin Psallentes est soutenu ou alterné par un complet panel de flûtes à bec, élargi à tout l’ambitus, du sopranino jusqu’à la contrebasse et sous-contrebasse, manœuvrée par Juho Myllylä. Ne pas manquer le cocasse Min liebste Zart en plage 15 ! Au regard de la rareté d’un tel consort, on regrette que le livret n’inclue quelques photos de sessions de cet aérien aréopage, dont les interventions sont détaillées dans un tableau en page 5.
D’un grand soin, la réalisation de cette anthologie dégage un sentiment de mysticisme un brin naïf et de pureté tout en accord avec son sujet, ce que raffine une captation d’une admirable finesse et transparence. L’heure est au candide mystère de l’enfantement –candide au sens de l’ingénuité mais aussi d’une certaine pâleur. Car en émane une quiétude littéralement évanescente, quitte à sembler parfois éthérée ou détachée, si ce n’est les contributions solistes de Lieselot De Wilde, plus humaines, comme pour métaphoriser la prochaine incarnation. L’indication « #1 » laisse augurer que d’autres toiles de Memling seront bientôt visitées par cette équipe. On s’en réjouit !
Christophe Steyne
Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 9