Un adieu musical éternel : les Concertos 9 & 24 de Mozart par Lars Vogt

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n°9 en mi bémol majeur, K. 271 ; Concerto pour piano n°24 en do mineur, K. 491. Lars Vogt, piano et direction ; Orchestre de chambre de Paris. 2023. Livret en anglais, allemand, français. 61’ 22”. Ondine. ODE 1414-2 

Chef d’orchestre et pianiste allemand, Lars Vogt s’était notamment distingué par ses remarquables interprétations de Brahms qui lui valurent de nombreux retours élogieux. Ancien directeur musical de l’Orchestre de chambre de Paris avec lequel il collaborera pour la dernière fois sur ce disque, il assumait également le rôle de professeur à la prestigieuse Hochschule für Musik de Hanovre. En dépit du diagnostic de cancer qui lui fut annoncé en 2021, il décida de se plonger dans l’enregistrement des Concertos pour piano n°9 et 24 de Mozart avec une détermination inébranlable. Ceci n’est pas sans rappeler le contexte d’écriture du Requiem en ré mineur qui, selon certains récits, aurait été composé en prévision des propres funérailles du compositeur autrichien. Quant à Vogt, il n’aura malheureusement jamais eu l’occasion d’entendre le disque terminé. 

Surnommé “Jeunehomme”, le Concerto pour piano n°9 de Mozart est un chef-d’œuvre du style classique. Révolutionnaire pour l’époque, il s’ouvre de manière inhabituelle en faisant directement appel à l’intervention du pianiste, ce que l’on retrouvera plus tard dans les Concertos pour piano n°4 et 5 de Beethoven. Dès son entrée, Lars Vogt fait usage d’un son légèrement timide, dicté par une délicate retenue, créant de la sorte une atmosphère intimiste propice à l’épanouissement sonore de la pièce. Une forme de respect mutuel entre musiciens et chef d’orchestre s’y dégage, créant par la même occasion un cercle vertueux qui, à travers les minutes qui s’écoulent, contribue progressivement à renforcer la profondeur émotionnelle de l’interprétation. S’ensuit l’une des pages les plus douloureuses que Mozart ait écrites, l’ouverture du deuxième mouvement de ce concerto. Métaphore reflétant tragiquement la condition dans laquelle Vogt se trouvait, les premiers accords en do mineur résonnent tels un glas, renforçant de facto l’idée qu’il s’agit sans aucun doute du moment le plus sombre et poignant de ce disque. Enfin, après une éclaircie apportée par la modulation en mi bémol majeur, ce concerto se clôture par un rondo débordant d’espoir. 

Le Concerto pour piano n°24, achevé en 1786 à Vienne, est introduit quant à lui par une ouverture orchestrale de plus de deux minutes qui, notons-le, est interprétée magistralement par l’Orchestre de chambre de Paris. Dirigé par Lars Vogt lui-même, ils réussissent ensemble à capturer parfaitement la couleur générale dramatique de cette œuvre, créant de la sorte le terrain le plus propice à l’épanouissement musical du solo qui suit. En venant percer le silence laissé par l’orchestre, Vogt nous transporte dans un univers musical aux allures cuisantes, tout en nous rassurant par son jeu simple et rempli de charme. Le deuxième mouvement, quant à lui, ne semble ne pas déroger à l’essence même de ce disque, à savoir une finesse inégalée. Les moments piano sont joués tels une caresse sur le clavier, évoquant des émotions qui se déploient avec une douceur plus qu’envoûtante. Chaque note semble être enveloppée dans un voile de tendresse, créant de la sorte une atmosphère intimiste non négligeable. Enfin, ce concerto se referme par un allegretto vif en apothéose qui apporte une touche finale de vitalité à l’ensemble de l’œuvre. 

En dépit de son état de santé, Lars Vogt nous laisse à travers ce disque un témoignage de persévérance et d’optimisme indéfectible. Il réussit haut la main à nous captiver en l’espace d’une heure tout en retraçant somme toute un parcours de vie. Un album touchant à découvrir dès ce mois de septembre. 

Note globale : 9/10 

Clément Bellenger

Chronique réalisée sur base de l’édition numérique. 

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