Intrigues nuptiales sur l’île de Naxos : intéressante résurrection d’un festif opéra de Fux

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Johann Joseph Fux (c1660-1741) : La Corona d’Arianna, FuxWV II.2.20. Venere, Monica Piccinini, soprano. Arianna, Carlotta Colombo, soprano. Teti, Marianne Beate Kielland, contralto. Bacco, Rafal Tomkiewicz, contre-ténor. Peleo, Meili Li, contreténor. Arnold Schoenberg Chor. Zefiro, Alfredo Bernardini. Gabriele Cassone, Raphael Pouget, clarino. Simone Amelli, Samuel Sigl, trompette. Charlie Fischer, timbales. Paolo Grazzi, Amy Power, hautbois. Alberto Grazzi, basson. Cecilia Bernardini, Claudia Combs, Brigitte Duftschmid, Isabella Bisson, Rossella Croce, Ulrike Fischer, Monika Toth, Nina Pohn, violon. Teresa Ceccato, Barbara Palma, alto. Marcus van den Munckhof, Sara Bennici, violoncelle. Paolo Zuccheri, contrebasse. Anna Fontana, clavecin. Michele Pasotti, théorbe. Juin 2022. Notice en anglais, allemand, italien (livret des paroles en italien, traduction en anglais et allemand). TT 67’54. Arcana A548

Agacement liminaire : ceux qui verraient dans la couverture (Allium 3 de Kevin Dutton, 2011) une malencontreuse allusion au coronavirus, plutôt qu’à une couronne de noce, se demanderont si l’illustration est de très bon goût. Depuis 2018, le « Styriarte Fux Opernfest » a entrepris de valoriser six des dix-neuf opéras attribués à Johann Joseph Fux. Voici le versant sonore de la production de 2022, dans une mise en scène typée seventies (rouflaquettes, costumes à paillettes et dégaines réchappées de Woodstock inclus) captée le 28 juin à Graz, profitant du rodage de trois représentations les jours précédents. Après Julo Ascanio, Dafne in lauro, Gli ossequi della notte et Psiche, cette Corona d’Arianna de 1726 est enregistrée en première mondiale. Une des grandes réussites parmi les ouvrages lyriques que le Kapellmeister de la prestigieuse cour d’Autriche écrivit pour honorer le couple impérial, en l’occurrence l’anniversaire d’Elisabeth Christine. Conçue pour le plein air, dans le décor hellénisé des jardins de la Favoritagasse près de Vienne où les souverains époux prenaient leur quartier d’été, cette œuvre festive rameute trompettes et timbales, et s’agrémentait d’épisodes chorégraphiques.

Dans le sillage des contraintes sanitaires de l’épidémie du covid, visant à éviter une trop longue promiscuité du public, le livret de Pietro Pariati subit une version drastiquement abrégée de moitié, délaissant les rôles secondaires d’Orgia et Doleria, et supprimant quelques récitatifs, arias et chœurs redondants, tout en préservant les ressorts de l’intrigue, assez prévisible au demeurant. Un siècle après L’Arianna de Claudio Monteverdi, deux siècles avant Ariadne auf Naxos de Richard Strauss, le sujet (librement adapté) renvoie à l’histoire de la fille du Roi de Crète, selon la mythologie grecque. Abandonnée par son amant Thésée, l’héroïne se morfond sur l’île où la néréide Thétis ne tarde pas à la rejoindre, amenée par la déesse de l’amour. De retour avec Bacchus, Pélée se méprend sur la promise et courtise plutôt Ariane, laquelle pour sa part résiste au Dieu des vignes. Après ces quiproquos, l’intercession de Vénus permettra d’unir les couples attendus, et de couronner Ariane.

Globalement, cette exhumation tient ses promesses, même si l’interprétation de cette festa teatrale manque parfois de spontanéité et d’instinct dramatique, et malgré la vitalité que pouvait laisser espérer ce résultat de concert. Les chœurs et ensembles font mouche, notamment les fringantes irruptions du peuple de la mer (Con la speme di goder et La speme degli amanti). Dans la distribution féminine, on saluera surtout les deux sopranos. Le timbre radieux et grand ouvert de Monica Piccinini illumine son personnage d’entremetteuse. Carlotta Colombo campe adéquatement l’évolution psychologique entre désespoir et consentement à l’hymen. En revanche, les interventions de Marianne Beate Kielland semblent assourdies et pauvres en couleur, malgré l’homogénéité du registre et la hauteur de l’incarnation. Côté messieurs, Rafal Tomkiewicz convainc aussi bien dans ses solos que duos (Non merta un traditor, avec Vénus) servis avec brio, mieux que Meili Li dans ses deux airs engorgés où les aigus peinent à sortir. Certes, on aurait apprécié que les voix captées de près s’épanouissent dans l’acoustique ambiante. En tout cas, l’animation inculquée par Alfredo Bernardini et la saveur des instrumentistes de Zefiro assurent le liant nécessaire à cette intéressante résurrection.

Christophe Steyne

Son : 8 – Livret : 9,5 – Répertoire : 8,5 – Interprétation : 8

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