Jean-Philippe Collard : la musique en chemins

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Jean-Philippe COLLARD : Chemins de musique. Paris, Alma. ISBN 978-236279-472-8. 2019. 121 pages. 20 euros.

Né en 1948, le pianiste français Jean-Philippe Collard est à la tête d’une importante discographie, où l’on relève les noms de Fauré, Ravel, Rachmaninov, Saint-Saëns, Franck, Brahms, Dvorak, Chopin, Bach, Schumann, Poulenc, Tchaïkovski, Debussy, Mozart, Liszt… Il fait le point sur son parcours dans un livre de souvenirs, dont la quatrième de couverture résume le sens : La musique est le lien ténu qui unit les hommes. Elle résiste aux conflits, apaise les douleurs, enchante l’âme. Elle sera toujours là quand nous partirons et sa souveraineté ne cessera de s’étendre. De façon plus intime, il précise dans les premières pages : La musique a contribué à faire de ma vie un chant éperdu, quelles qu’en soient les saisons. Jean-Philippe Collard considère qu’il doit partager la musique avec le monde. Ce qu’il accomplit, avec un beau talent de narrateur.

Le pianiste se raconte : naissance à Mareuil-sur-Aÿ, petit village de Champagne, dans un milieu où la musique est pratiquée en amateur, mais en famille. Conservatoire à Paris dès ses onze ans chez Aline Van Barentzen, « terrorisante », pétrie d’un « sentiment d’autorité et d’infaillibilité », pour laquelle « tout tournait autour de Chopin ». Découverte du toucher, de l’articulation, de l’architecture du son avec l’assistante, Marcelle Brousse, élève d’Yves Nat. Timide mais persévérant, le jeune Jean-Philippe trouve un refuge dans la musique. Il participe à un concours pour les moins de douze ans, termine deuxième. Amitié avec Michel Béroff, élève de Pierre Sancan (Collard enregistrera plus tard le Concerto pour piano de ce pédagogue). Cours privés avec ce créateur de méthode qui cherche à « associer le geste et l’anatomie à l’élaboration de la phrase musicale », tout en se souciant du rendu sonore. Quelques déceptions, notamment lors d’une rencontre blessante avec Robert Casadesus. Mais le jeune homme est un travailleur, il construit son bagage technique patiemment, malgré des douleurs aux muscles et aux tendons, guéries par un traitement approprié. Il se classe cinquième du Concours Long-Thibaud en 1969 derrière quatre soviétiques ; il remporte l’année suivante le Concours Cziffra (ce qui donne un joli portrait du virtuose hongrois). S’ensuit l’enregistrement d’un premier disque chez Pathé-Marconi : les Barcarolles de Fauré. La carrière est lancée : récitals, concerts avec orchestre, une cinquantaine de disques pour le même label, avant l’aventure plus récente chez Dolce Volta. Mais aussi musique de chambre, souvent avec les amis Augustin Dumay et Frédéric Lodéon. Plus récemment, direction du Festival artistique des Flâneries musicales de Reims. 

Jean-Philippe Collard ne fait pas que se raconter. Il évoque aussi une série de sujets auxquels il apporte l’éclairage de son expérience et de sa maturité : réflexions sur l’interprétation, relations avec l’instrument (notamment son grand Steinway qu’il affectionne et qui l’a accompagné en maints lieux), collaboration, parfois délicate, avec des chefs d’orchestre, participation à des jurys de concours, regret de la tendance actuelle qui « penche vers l’amplitude sonore et les effets spectaculaires » et fait passer au second plan la poésie et la qualité du son, avis sur des salles de concerts, sur la situation du disque, sur le raffinement et la distinction de la musique française… Collard parle de la nature, de son pays natal, avec beaucoup de lyrisme, du temps qui passe, de l’œuvre d’unification de la musique et de maints autres aspects dont la liste serait trop longue à détailler. Il le fait avec une élégante vérité, avec modestie et simplicité, dans un langage accessible, à travers un style soigné, racé et d’une plume légère (quelques négligences éditoriales auraient pu être évitées après relecture).

On sera particulièrement intéressé par la dizaine de pages que Jean-Philippe Collard consacre à Vladimir Horowitz, qu’il a bien connu et fréquenté. Il en livre un portrait personnel et intime, respectueux et admiratif, avec des anecdotes, parfois émouvantes, qui intéresseront les mélomanes et les fans du grand maître. 

« La musique est un cadeau fait au monde. », conclut Jean-Philippe Collard en guise de dernière phrase à son livre. Plus avant dans le texte, il a proclamé : M’entendez-vous ? Joignez-vous à moi, concentrez-vous pour ne pas en perdre une miette, appréciez la subtilité des ondes qui vous parviennent. Libérez votre esprit, laissez entrer les harmonies, laissez-les couler dans vos veines jusqu’au cœur. Ecoutez. Nous acceptons l’invitation avec un vif plaisir.

Jean Lacroix 

 

 

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