Rossini et ses Péchés de vieillesse

par

Gioacchino ROSSINI (1792-1868) : Péchés de vieillesse, sélection des volumes IV à X et XII.  piano. 2018. Livret en italien et en anglais, partiellement en français. 63.00. Concerto 2108.

C’est dans sa villa de Passy que Rossini va voir s’écouler les dernières années de sa vie. Il y mène une existence paisible et casanière, même s’il ne dédaigne pas une promenade sur les boulevards ou un tour en fiacre au Bois de Boulogne. Il aime aussi faire les courses pour sa femme, acheter du macaroni napolitain par exemple, et recevoir ses amis triés sur le volet, souvent même avec opulence. L’opéra ? Ce n’est plus d’actualité. Il n’empêche que de temps à autre, le piano s’impose à lui. Pendant cette période de relative oisiveté compositionnelle, Rossini va produire quatorze volumes de Péchés de vieillesse entre 1857 et 1868, dont une grande partie est dévolue au clavier ; une autre est destinée à des morceaux vocaux en français ou en italien et à de petits effectifs instrumentaux. Des exécutions publiques de quelques pièces tentent Saint-Saëns et quelques autres, mais Rossini rechigne à publier. Il y aura une édition partielle à titre posthume, mais ce n’est que dans les années 1950 que la Fondation Rossini prendra l’initiative de mettre à disposition cet ensemble à la fois léger, parodique, ironique et humoristique, aux titres originaux ou farfelus. Satie n’est pas loin ! Des plaisanteries en quelque sorte, réparties dans des « albums » destinés « aux enfants adolescents » ou « aux enfants dégourdis », mais aussi des « albums de Chaumière » ou « de Château », des « hors d’œuvre » ou des « miscellanées ». Le tout dans un contexte de simplicité et de tendresse, rappelé dans une note du livret par Alessandro Marangoni qui a entrepris, pour le label Naxos, une discographie intégrale de ces compositions pour piano, qui occupent les volumes IV à VIII, X et XII des Péchés, ainsi que le volume IX, destiné au piano solo ou à la musique de chambre. 

Pour ce CD Concerto, au format inhabituel de 16 x 16 cm, c’est Ginevra Costantini Negri qui se charge de la sélection, dont elle déclame elle-même le titre de chaque pièce choisie. Cette jeune pianiste de 19 ans a donné dans la capitale française, le 8 janvier de cette année 2020, un récital intitulé « Les Italiens à Paris », au cours duquel elle a mis en évidence Cherubini, Paisiello, Donizetti, Puccini et Rossini. La notice nous apprend qu’elle a participé à des concours internationaux, s’est produite pour Lang Lang à l’âge de dix ans et a suivi des masterclasses de Rolf Plagge à Salzbourg. Dans ce qui est ici son premier enregistrement, au titre évocateur de « Il mio piccolo teatro privato », la pianiste, qui joue sur un Bösendorfer Imperial, a opté pour des pages tirées de chaque volume des Péchés de vieillesse, privilégiant les différences d’atmosphère. Les anchois du volume IV voisinent avec La lagune de Venise à l’expiration de l’année 1861 du volume V, ainsi qu’avec des morceaux aux titres légers, voire farceurs, comme le Prélude inoffensif, Un regret, un espoir, la Petite pensée ou Un Rien, extraits des autres albums. On y trouve aussi Un petit-train de plaisir (comique-imitatif) qui décrit, avec didascalies en français, l’appel de la cloche, la montée et la descente des voyageurs, le voyage, ainsi qu’un déraillement, suivi d’une marche funèbre pour commémorer les victimes, section finale satirique qui célèbre en fait ceux qui vont hériter des défunts ! 

Negri se lance dans tout cela avec un beau souci de la couleur, sans afféterie, sans donner à cette musique le poids qu’elle n’a pas, mais avec un sens de l’agilité mesurée, avec l’humour dosé quand il le faut, même si on peut le souhaiter plus corrosif. Voilà un CD de bon niveau, carte de visite pour cette interprète, qui ne fait pas oublier Frédéric Chiu, Stefan Irmer ou Alessandro Marangoni déjà cité, mais qui ajoute la fougue de sa jeunesse à l’inventivité rossinienne. On souhaite la découvrir dans d’autres répertoires. Une version prochaine des six sonates op. 1 de Cherubini est annoncée. Il faut souligner la qualité éditoriale de cet objet discographique. Sur papier glacé, avec quelques photographies de l’artiste, on trouve une étude complète, en italien et en anglais, des différents albums des Péchés de vieillesse pour le piano, sous la plume éclairée d’Alessandro Marangoni. Pour le mélomane francophone, l’éditeur a eu la délicatesse d’ajouter un guide d’écoute de la sélection, ce qui permet d’ajouter l’intérêt explicatif au plaisir musical.

Son : 9  Livret : 9  Répertoire :  7 Interprétation : 8 

Vos commentaires

Vous devriez utiliser le HTML:
<a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.