18 mois de prison requis contre l'ancien président de l'INA

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Des marchés publics litigieux, un dirigeant pour qui les règles étaient totalement inconnues : le procès pour "favoritisme" de l'ex-Président de l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) Mathieu Gallet a disséqué la gestion de cet établissement public.
Après onze heures d'audience, le parquet de Créteil a réclamé 18 mois de prison avec sursis et 40.000 euros d'amende à l'encontre de celui-ci qui est l'actuel Président de Radio France et qui a dirigé l'INA entre 2010 et 2014, soupçonné d'avoir "favorisé" certaines sociétés de conseil auxquelles l'établissement public a versé plus de 400.000 euros.
Le tribunal correctionnel a notamment tenté de comprendre le rôle de Denis Pingaud, un professionnel de l'audiovisuel engagé par Mathieu Gallet comme "conseiller externe", pour la communication de l'INA. Grâce à ses "compétences rares" pouvait écrire ses discours, travailler à la refonte du site internet de l'INA ou organiser des rachats de fonds audiovisuels grâce à son carnet d'adresses. Tout cela avec un "oeil extérieur" sur la stratégie de l'entreprise. Denis Pingaud a ainsi perçu 130.000 euros hors taxes, facturés par Balises, une société qu'il dirigeait. Pourquoi ne pas l'avoir mis en concurrence, puisque cette somme dépassait le seuil obligeant l'INA à respecter les règles des marchés publics? Denis Pingaud aurait plutôt servi de "coach personnel" à Mathieu Gallet, financé "avec de l'argent public", notamment pour lancer sa candidature à la direction de Radio France, a accusé la procureure Amélie Cladière.
Le ministère public reprenait les accusations portées pendant l'enquête par la successeure de Mathieu Gallet à la tête de l'INA, Agnès Saal. C'est par une polémique sur les frais de taxis exorbitants de Mme Saal que toute l'affaire avait démarré en 2015. Ce scandale avait déclenché un signalement du ministère de la Culture sur la gestion passée de l'INA, qui a servi de base pour l'enquête pour "favoritisme" contre Mathieu Gallet.
Les investigations pointaient également d'autres irrégularités, avec la société de conseil Roland Berger Strategy. L'INA avait conclu avec elle un marché public de 289.000 euros hors taxes, au terme d'un appel d'offres de cinq jours en 2013. "Trop court", selon la procureure qui a également estimé que Mathieu Gallet avait faussé la concurrence en laissant entendre à Roland Berger dès 2010 que l'INA aurait besoin de conseils pour fusionner certaines de ses directions.
Les avocats de Matthieu Gallet ont fustigé une "énorme confusion" sur l'attribution du marché public. Ils ont appelé d'anciens employés de l'INA à la barre, qui ont décrit une procédure "en deux temps" respectant selon eux les règles de mise en concurrence : les sociétés avaient seulement quelques jours pour envoyer leur "fiche d'identité" à l'INA, mais disposaient de plusieurs semaines pour formuler une véritable offre commerciale.
Que ce soit pour Denis Pingaud ou pour Roland Berger, "les faits (de favoritisme) sont parfaitement constitués", a estimé Jérôme Karsenti, l'avocat d'Anticor. Partie civile, l'association avait dès 2015 porter plainte contre la gestion à l'INA. Jérôme Karsenti a regretté "le traitement tout à fait insatisfaisant du dossier" par le parquet, en s'étonnant que Denis Pingaud et Roland Berger ne soient pas eux aussi jugés. "S'il y a une infraction de délit de favoritisme, il y a du recel de favoritisme", s'est-il exclamé. Le tribunal rendra son jugement le 15 janvier.

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