Avis de tempête sur la Seine musicale

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Selon France Musique, Jean-Luc Choplin s’apprêterait à quitter la direction artistique de La Seine musicale, six mois après son ouverture. Une réunion devrait, ce mercredi, entériner son départ.
Que s'est-il passé ? France Musique propose une analyse.
La Seine musicale est, dans le paysage musical, un cas rarissime de PPP (partenariat public-privé) : côté public, il y a le Conseil départemental des Hauts-de-Seine et, côté privé, plusieurs entreprises : pour la construction, le groupement Tempo  (InfraVia, Bouygues et Sodexo) et pour le fonctionnement, la société STS (filiale conjointe de TF1 et Sodexo).
Pour Patrick Devedjian, président du Conseil départemental, le PPP est le modèle idéal et il aurait permis de tenir les coûts et les délais. Le coût de construction avec les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines s’est élevé à 170 millions d’euros, dont 120 apportés par le Conseil départemental.  Mais dans les faits, c’est une autre paire de manche…
Côté public, la direction artistique est supervisée par Laurence Equilbey à la tête de l' Insula Orchestra. Et côté privé, la programmation était confiée à Jean-Luc Choplin. Deux directeurs artistiques dans une même maison, cela veut dire réunions "diplomatiques" de haut vol pour éviter les doublons et ne pas froisser les susceptibilités. Les tensions n'ont pas tardé entre Laurence Equilbey et Jean-Luc Choplin.
Par ailleurs, Jean-Luc Choplin a eu beaucoup de mal à dialoguer avec les équipes de la STS. Quand il était au Théâtre du Châtelet, Choplin bénéficiait d’importantes subventions publiques en provenance de la ville de Paris. A la Seine musicale, STS est une entreprise privée qui veut à tirer du bénéfice de ses activités.
Mais comment gagner de l’argent en programmant de la musique classique, un genre traditionnellement subventionné ? Car Choplin devait programmer une centaine de dates dans la grande salle de 6000 places (destinée aux musiques actuelles, et qui peut légitimement être source de profits) et aussi une quarantaine dans la salle de 1000 places dédiée elle, principalement, à la musique classique. On peut évidemment se demander pourquoi le PPP ne s’est pas scindé en deux, la grande salle au privé et la petite au public.

Comment expliquer de tels flops ?
1. En plein week-end du premier tour de l’élection présidentielle, l'inauguration de la Seine musicale n'a pas bénéficié de la meilleure visibilité médiatique.
2. Pas de fichier public. Quand la Philharmonie de Paris a ouvert ses portes à la Villette, les équipes disposaient des fichiers clients des spectateurs de la Salle Pleyel et de la Cité de la Musique. A la Seine musicale, aucun listing et il fallait monter des partenariats à la hâte.
3. L’accessibilité : arrivé au terminus de la ligne 9, il faut encore une quinzaine de minutes de marche. On parle d'ouvrir une gare dans le cadre du Grand Paris express, de construire un pont, d'affréter des bateaux sur la Seine pour transporter les spectateurs... En attendant, il faut du temps pour y arriver.
4. Le PPP a un impact artistique : pour le spectateur, la programmation manque de cohérence et de clarté. Quelle est la ligne éditoriale d’une salle qui invite aussi bien Michel Sardou que Marc Minkowski ?
5. La concurrence est de plus en plus forte à l’Ouest parisien avec l’inauguration de l’U Arena de Nanterre, plus vaste enceinte fermée d’Europe, destinée à la fois aux événements sportifs et musicaux. Et les choses ne vont pas s'arranger : LVMH prépare une salle de concert au sein de l’ancien Musée des arts et traditions populaires (à côté de la Fondation Vuitton) pour accueillir à la fois des expositions de grande ampleur et des concerts de musiques symphoniques. Avec la possibilité d’ouvrir la salle sur le Jardin d’Acclimatation et d’en faire le cadre de Prom’s à la française

Deux questions aujourd'hui : les concerts programmés par Jean-Luc Choplin et son équipe vont-ils être maintenus ? Et qui pour lui succéder ? Le poste n'a pas l'air commode : avant Choplin et avant même l’inauguration, Laurent Brunner (Château Versailles Spectacles) avait déjà mis une programmation complète en place avant de tirer sa révérence.

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