Leopold Kozeluch, 205 ans

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Le compositeur Leopold (Anton) Kozeluch (ou Kotzeluch ; en tchèque : Koželuh) est né à Velvary (royaume de Bohême) le  et mort à Vienne le 
Il tient une place importante dans la musique pour clavier de la fin du xviiie siècle en contribuant au développement d'un style spécifique au piano-forte, au détriment de l'usage du clavecin.

Leopold Kozeluch naît dans une humble famille. Il est l'un des seize enfants d'un bottier. Baptisé Jan Antonín, il change son prénom vers 1773 en Leopold, afin de se distinguer de son cousin et professeur Johann Antonin Kozeluch (1738–1814), maître de chapelle à la Cathédrale Saint-Guy de Prague de 1784 à sa mort. Son patronyme, Koželuh ("tanneur" en tchèque), devient Kozeluch pour en faciliter la prononciation en allemand.

Son cousin Johann Antonin, lui-même élève de Josef Norbert Seger, se fait son premier éducateur musical. Il écrit ses premières pièces à l'âge de onze ans. Puis il travaille la composition et le piano à Prague, avec un autre cousin, Frantisek Dušek (1731–1799), lui-même élève de Wagenseil, et ami de Mozart. Ses parents, pourtant, le poussent à opter pour des études de droit.
En 1771, au Théâtre National de Prague, ses premiers ballets et pantomimes pleins d'esprit, rencontrent un tel succès qu'il en produit 24 autres en sept ans -tous sont perdus- et qu'il abandonne ses études de droit pour une carrière musicale.

En 1778, à 31 ans, il s'installe à Vienne,où il prend quelques leçons de Johann Georg Albrechtsberger. Ensuite il acquiert rapidement une solide réputation d'excellent pianiste, professeur et compositeur.

Il compose la cantate sur la mort de Marie-Thérèse (1780) et devient professeur de piano à la Cour (après Wagenseil et Steffan, devenu aveugle). Ses élèves de l'aristocratie sont Maria Theresia von Paradis, l'Archiduchesse Elisabeth von Württemberg (première épouse de l'Empereur François Ier d'Autriche) ou Marie-Louise d'Autriche (fille de l'Empereur et deuxième femme de Napoléon Ier).
En 1781, il se permet de refuser un poste d'organiste en remplacement de Mozart à Salzbourg : C’est surtout la conduite de l’Archevêque envers Mozart qui m’a rebuté, car s’il a pu laisser partir un homme de cette trempe, quel traitement devais-je m’attendre à subir de sa part ? » dira-t-il plus tard, à l'un de ses amis. Mais la proposition dénote la considération dans laquelle on tenait le musicien et, par son refus, des opportunités qui lui étaient offertes dans la capitale autrichienne.

Il commence à publier ses œuvres en 1784, simultanément dans plusieurs maisons d'éditions européennes, notamment en Angleterre où il est en correspondance avec John Bland, Robert Birchall et Lewis, Houston & Hyde.
Le Magazin der Music rapporte comment ses compositions étaient considérées : "Herr Koželuch est un excellent compositeur. Il y a dans ses sonates beaucoup d’invention, de bonnes mélodies et un style de progression qui lui est propre. Les mouvements rapides sont très brillants et ingénus, les mouvements lents très mélodieux. Par conséquent, nous pouvons assurément les recommander aux amateurs qui pratiquent le clavier."
L'année suivante, il fonde sa propre maison d'édition. En tant qu'éditeur, il publie ses contemporains bohémiens comme Krammar ou Vanhal, mais aussi Haydn et Mozart. Pendant les années 1790, il devient franc-maçon ; ses œuvres sont jouées à Londres avec celles de Joseph Haydn, lors des concerts Salomon aux Hanover Square Rooms.

L'État de Bohème lui commande une cantate pour le couronnement de l'Empereur Leopold II, qui obtient un vif succès à Prague, le .

Après une lettre de candidature, à l'accession de François II en 1792, il succède à Antonio Salieri à la charge prestigieuse (bien rémunérée et de grand pouvoir) de maître de chapelle de la chambre et compositeur de la Cour impériale d'Autriche (Kammer Kapellmeister et Hofmusik Compositor). Nommé le  il garde ce dernier poste jusqu'en 1813, date à laquelle Franz Krommer le remplace.

De 1798 à 1809, il effectue plusieurs séries d'arrangements de chants irlandais, écossais et gallois (près de 170 en tout) pour l'éditeur d’Édimbourg, George Thomson, qui l'enrichissent, au détriment, dès 1804, d'autres compositions.

Bien que d'un statut social bien meilleur que ceux des plus grands compositeurs contemporains, il tombe dans l'oubli dès sa disparition, comme nombre de ses confrères bohémiens de la même époque tenus en haute estime (Vaňhal, Krommer...). Beethoven ayant contribué à jeter l'ombre sur le compositeur par un jugement négatif à son égard en 1812, colporté ensuite par les musicologues.

Sa fille, Katharina Cibbini (1785-1858) était aussi une pianiste (élève de Clementi) et compositrice bien connue du début du xixe siècle à Vienne.

Leopold Kozeluch, s'il compose pour la scène, l'opéra (tous perdus sauf un), laisse de la musique sacrée (des arrangements d'œuvres profanes parmi les siennes ou d'autres musiciens) et des symphonies (11), il s'intéresse surtout au clavier. Il tient une place importante dans la musique du XVIIIe siècle et contribue au développement d'un style de piano idiomatique au détriment de l'usage du clavecin.

L'œuvre pour clavier solo (selon les derniers chiffres : 55 sonates, mais en outre 65 trios et 23 concertos) embrasse la période de 1773 à 1810, avec ses trois dernières sonates demeurées inédites de son vivant.
En ardent défenseur du piano-forte, le corpus des sonates de Kozeluch, représentatif du style tchèque à Vienne, figure sans pâlir aux côtés de Clementi, Dussek, Haydn et Mozart.

Le catalogue des 420 œuvres, dont environ 250 originales nous sont parvenues, a été dressé en 1964 par Milan Poštolka, représenté par le « P ». Le musicologue distingue trois styles, indépendants de la chronologie de composition : ses compositions vocales dès 1780 sont galantes dans le style viennois Roccoco, ses concertos et symphonies sont dans le style classique, et une partie importante de son œuvre pour piano annonce le style romantique et tragique ou pathétique de Beethoven, vers 1785–97. Sans toutefois posséder de traits personnels qui le distingueraient nettement de la production viennoise de la période.
La qualité de son travail est prouvée du fait que souvent ses œuvres furent confondues avec celles de Mozart ou Haydn. On trouve dans ses compositions de chambre notamment, des caractéristiques devancières de Beethoven ou même Schubert.

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