La douleur sublimée de Dvorak
Antonin DVORAK
(1841 - 1904)
Stabat Mater pour soli, choeur et orchestre op. 58
Erin Wall (soprano), Mihoko Fujimura (mezzo soprano), Christian Elsner (Ténor), Liang Li (basse), Choeur et Orchestre de la Radio bavaroise, dir.: Mariss Jansons
2016-DDD-77'55''-Textes de présentation en allemand et anglais-Textes chantés en latin, allemand et anglais-BR Klassik 900142
Les enregistrements du Stabat Mater de Dvorak sont restés jusque dans les années 2000 l'apanage des chefs et orchestres tchèques jusqu'au jour où il inspira des chefs comme Harnoncourt, Sinopoli et, plus récemment, Philippe Herreweghe. Le fait est paradoxal dans la mesure où c'est avec son Stabat Mater que le compositeur fut connu et plébiscité hors de son pays. Il s'agit de sa première oeuvre sacrée après une messe de jeunesse détruite et une autre perdue. Son attrait pour le Stabat Mater, "poème rimé de vingt tercets de trois vers célébrant la compassion de la Vierge aux douleurs de son fils" (Marc Honegger) n'est pas étranger aux circonstances de la vie du compositeur. Il a 34 ans et vient de perdre sa fille à la naissance; il compose alors une première version du poème pour choeur et piano. Deux ans plus tard, le 13 août 1877, il perd sa fille Ruzena qui, accidentellement, a avalé une solution de phosphore, et, le mois suivant, son fils aîné Otakar, victime de la variole. Dvorak reprend alors son Stabat Mater, l'orchestre et lui ajoute trois mouvements. Cette version sera définitive.
Dans cette version en dix mouvements, le compositeur suit le missel romain mais s'en éloigne vers la fin pour suivre la version de la Séquence du XIIIe siècle de Jacopo Da Todi s'associant davantage à la douleur de la Vierge, une pratique fréquente au XIXe siècle.
Le Stabat Mater de Dvorak est une oeuvre d'intériorité, qui prend tout son sens dans les nuances des couleurs orchestrales dont Jansons privilégie les détails. Dans le rythme modéré de l'oeuvre, il conduit ses effectifs des ténèbres à la lumière, du deuil à l'apaisement avec l'aide des anges consolateurs, le superbe choeur féminin de la Radio Bavaroise. Sans surenchère vocale, les solistes s'intègrent parfaitement à la sobriété de l'oeuvre. Du point de vue orchestral, on regrettera le manque de souplesse dans les enchaînements des périodes et de continuité entre les mouvements. On retournera à quelques grands "anciens" tels Sawallish et la Philharmonie Tchèque (Supraphon), les deux versions de Jiri Belohlavek (avec la Philharmonie Tchèque, Chandos 1991 et avec l'Orchestre Symphonique de Prague, Supraphon 1997).
Une oeuvre forte qui nous rappelle que Dvorak n'est pas seulement le compositeur de symphonies et de lieder mais aussi d'un des plus beaux Requiem du répertoire, d'une Messe, d'un oratorio (Ste Ludmilla) et d'un Te Deum.
Bernadette Beyne
Son 9 - Livret 8 - Répertoire 10 - Interprétation 7,5