La famille Bach sur un petit orgue de la région de Varsovie

par

Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Chorals Kirnberger BWV 698, 699, 701, 703, 704 ; Partite sopra O Gott, du frommer Gott BWV 767 ; Canzona en ré mineur BWV 588. Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788) : Sonates en sol mineur, la mineur, la majeur Wq 70/6, 4, 1. Johann Christoph Bach (1642-1703) : Choräle zum Präembulieren : Ach Gott, vom Himmel sief darein ; Aus tiefer Not ; In dich hab’ich gehoffet Herr. Wilhelm Friedemann Bach (1710-1784) : Fugue en sol mineur, Fk 31/8. Ewa Rzetecka-Niewiadomska, orgue de l’évêché de Siedlce. Livret en polonais, anglais, allemand. Juillet 2019. TT 76’47. Dux 1608

Ni anche ni mixtures, des mutations réduites à une Quinte : la palette se concentre sur six jeux (flûtes et principaux), partagés en basse et dessus sur deux claviers, étayés par un Principal 8’ en demi-registre. Pour un total de 333 tuyaux. Un pédalier en tirasse incluait originellement une soubasse 16’, non restituée par la rénovation/reconstruction effectuée en 2008-2010. On ignore pour quel édifice fut conçu cet orgue mais il fut déplacé à Varsovie en 1790 puis pendant un siècle et demi en l’église paroissiale de Pruszyn, qui le céda à l’évêché de Siedlce en novembre 2002. À cette occasion furent établies la paternité et la date de la fabrication (1744-45), attribuée à Joachim Wagner. Lequel érigea une cinquantaine d’instruments dont seulement un tiers survécurent jusqu’à nous, diversement épargnés par le temps : St. Marien de Berlin, St. Katharinen et surtout la cathédrale de Brandenburg an der Havel, pour citer les plus imposants.

À Siedlce, l’originalité de la mécanique à double-transmission contribua à l’inscription au titre de bien historique par l’administration polonaise. Les amateurs d’organologie ne rateront pas l’occasion de retrouver ce rare témoin, modeste mais racé, de l’artisanat du facteur allemand : un CD qui s’ajoute aux trois que Wolfgang Zerer, Ireneusz Wyrwa et Marek Toporowski enregistrèrent en ce lieu depuis dix ans, sous les micros de Dux, dans des répertoires où la famille Bach était déjà bien représentée.

Le programme réunit quelques membres de la célèbre dynastie. La manualiter imposé par l’absence de pédale exclut les pièces à la polyphonie trop complexe. Recentrés sur la ligne de chant, les chorals de Johann Sebastian et son oncle s’accommodent bien des ressources congrues de l’instrument, tout comme les Partite servies dans une veine humble et intimiste. La Canzona profite de couleurs franches, diluées sur un tempo prudent, qui enlève un peu d’élan à la seconde section à trois temps (3’09). C’est peut-être le seul regret qu’appellent les choix interprétatifs tout au long du disque.

Les mouvements vifs des trois Sonates brillent d’une ardeur toute chorégraphique, précisément fuselée et adroitement ornementée, rappelant que la musicienne, enseignante à l’Académie de musique de Łódź, est aussi claveciniste. La brève réverbération entraîne un phrasé court pour les adagios et andante centraux. L’Empfindsamkeit, le caractère galant de ces pages mériteraient une gamme de dégradés, une variété d’atmosphères que la console, même en clavier coupé, ne peut fournir. Ainsi que l’explique Ewa Rzetecka-Niewiadomska dans le livret, « la série d’œuvres réunies sur l’album vise à juxtaposer divers moyens d’expressions musicale, parfois extrêmement contrastés, ailleurs de forme similaire quoiqu’empiétant sur l’époque suivante, après le Baroque. » Admirer cette variété sur un nuancier séduisant, adéquat mais restreint : voilà l’attrait de ce récital, et aussi sa limite.

Son : 9 – Livret : 8 – Répertoire : 8-9 – Interprétation : 8

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

 

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