La saison 2025-2026 du Philhar’ de Radio France est ouverte !

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Pour son concert de rentrée, le Philhar' de Radio France avait confié la baguette à Santtu-Matias Rouvali. Comme de nombreux chefs d'orchestre tous plus talentueux les uns que les autres, et souvent extrêmement jeunes (à presque quarante ans, lui ferait presque office de doyen), il vient de Finlande. Actuellement chef principal du Philharmonia Orchestra, il est déjà un fidèle du Philhar’, qu’il dirige tous les deux ans depuis 2019.

Le programme qu’ils avaient choisi était précisément placé sous le signe de la fidélité. Il était de circonstance pour ouvrir la saison.

Tout d'abord, l’Ouverture festive de Dimitri Chostakovitch. Disons-le : ce n’est certainement pas l’œuvre la plus impérissable de ce compositeur. Écrite en trois jours, pour célébrer la Révolution d’Octobre, il n’y fait pas dans la dentelle... et nos musiciens non plus ! Mais après tout, ce n’est pas le but de cette pièce brillante qui se veut, au contraire, excitante. Mission réussie, autant pour l’orchestre, pour le chef que pour le public, déjà chauffé à blanc !

Puis, toujours de Chostakovitch, une œuvre nettement plus profonde et ambitieuse : le Deuxième Concerto pour violon. En soliste, un musicien formidable qui excelle également à la baguette, ainsi qu’il l’a démontré, avec ce même orchestre, il y a quelques mois : Leonidas Kavakos (artiste en résidence à Radio France il y a quatre ans, qui revient tous les ans depuis). Ce Concerto a été composé quelques années avant la mort du compositeur, dans une période où il avait de sérieux problèmes de santé et qui a vu naître plusieurs de ses chefs-d’œuvre parmi les plus sombres. Moins virtuose et plus méditatif que le Premier, ce Concerto est absolument poignant. Il est en trois mouvements, avec cette particularité de contenir une cadence dans chacun (sans qu’aucune ne soit l’occasion d’une quelconque démonstration technique).

Leonidas Kavakos, avec son violon fait par Stradivarius en 1734, a une sonorité de diamant, flûtée, toujours très pure. Même si ce n’est pas celle que l’on attend dans une œuvre aussi sombre, elle lui donne une transparence qui en renforce la sincérité. D’autant que ce musicien, pas plus avec un violon qu’au pupitre de chef, ne fait dans l’esbrouffe. Il a assurément les qualités artistiques pour donner de cette œuvre une interprétation à la fois intérieure et aboutie.

Les moments où l’orchestre est sollicité par grandes masses instrumentales ne sont cependant pas toujours entièrement convaincants, car Santtu-Matias Rouvali n’insuffle pas aux musiciens autant d’énergie que dans la pièce d’ouverture (même si, bien entendu, ce ne sont pas des énergies de même nature). En revanche, il y a des échanges absolument captivants entre le soliste et les vents (en particulier avec le corniste Antoine Dreyfuss), quand l’orchestration est allégée et permet un dialogue fluide. Cela nous réserve de longs moments extrêmement émouvants. Les cadences sont à ce niveau-là.

En bis, la Loure de la Troisième Partita pour violon seul de Bach. Le parti pris stylistique navigue entre baroque et moderne, et Leonidas Kavakos alterne convenu (parfois) et sublime (souvent).

La deuxième partie commence par tout autre chose. L’ADN de Radio France, c’est aussi la création. Philippe Hersant fait partie des compositeurs qui y ont souvent été joués : depuis 1979, Radio France lui a commandé, pour toutes les formations qu’elle a sous son aile, des œuvres aussi bien lyriques que de musique de chambre, symphoniques que chorales, avec déjà plusieurs pièces pour ses différents chœurs. Une nouvelle s’ajoute donc, en création mondiale. Pour comprendre sa genèse, il faut revenir en arrière. En 2013, pour le 850e anniversaire de la cathédrale de Paris, Philippe Hersant avait composé Les Vêpres de la Vierge Marie, créées sous la direction de Lionel Sow. Celui-ci ayant été nommé entre-temps à la tête du Chœur de Radio France, il a voulu reprendre avec lui un extrait de ces Vêpres, le Psaume 121, précédé d’une nouvelle introduction. Il a donc, tout naturellement, demandé au compositeur d’écrire une pièce dans ce but, avec le même effectif. Voici donc In diebus nostris, pour trois chœurs, orgue, deux trompettes (en coulisse) et trois trombones, dédié, en signe de fidélité, à Lionel Sow.

Cela forme donc désormais un diptyque. Si l’ensemble célèbre la paix, la première partie est plutôt introspective, tandis que la seconde tend à la jubilation. Sans effets particuliers, avec des harmonies d’une grande délicatesse, subtiles et complexes, et dans cette interprétation à la fois sobre et incarnée, l’effet est bouleversant.

Ce concert d’ouverture se terminait avec une œuvre qui donne à tous les pupitres du Philhar’ l’occasion de se mettre en valeur, idéale pour redémarrer la saison sur de bonnes bases collectives : la Troisième Symphonie de Camille Saint-Saëns, dite « avec orgue ». Et comme la fidélité, cela se construit, c’était l’occasion d’accueillir dignement la nouvelle recrue de Radio France, qui y sera en résidence cette année : la toute jeune (à peine vingt ans) organiste Alma Bettencourt. Elle a été impeccable.

Tout comme l’ensemble du Philhar’. Il faut dire que Santtu-Matias Rouvali a cette faculté de ne pas les brider, ce qui nous a offert quelques grands moments, en particulier avec les solos de la petite harmonie. La sonorité des violons et des altos, que le compositeur a particulièrement soignés, est merveilleusement soyeuse. Quelques petits regrets toutefois : le chef met en valeur des motifs qui ne paraissent pas essentiels ; il n’est pas toujours assez directif dans les tutti, qui en deviennent parfois quelque peu mécaniques ; et il lui arrive de manquer légèrement de précision dans certaines attaques ou fins de notes. Ce sont là des réserves qui n’ont pas empêché une interprétation engagée et haute en couleurs de cette symphonie si justement populaire.

Pas de doute : pour le Philhar’, la saison est bel, et très bien partie !

Paris, Auditorium de Radio France, 12 septembre 2025

Pierre Carrive

Crédits photographiques : Edouard Brane / Radio France 

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