Le Porgy and Bess du Harlem Theatre triomphe à Genève
Le Grand-Théâtre de Genève reçoit la troupe du Harlem Theatre de New York pour douze représentations de Porgy and Bess de George Gershwin. Et la production remporte ici un succès au-delà de toute espérance. Car un véritable esprit de compagnie galvanise le plateau en gommant les individualités pour ne mettre en exergue que le pouvoir de communication de cette œuvre atypique.
Un écran de scène suggère la pauvreté de Catfish Row ; mais un jeu de lumières habile le creuse pour laisser apparaître quelques demeures coloniales délabrées, constituant le décor imaginé par Michael Scott. Y déambule une population bariolée d’où se détacheront les complets à rayures de Sporting Life ou le rouge putassier de la première tenue de Bess (dessinés par Christina Giannini). Et la mise en scène de Bayork Lee, reprise par Larry Marshall, suscite continuellement l’émotion en narrant l’existence d’un quartier anodin dont l’apparente torpeur est secouée par la gratuité d’un meurtre ou par le déchaînement des éléments en furie. Le premier vecteur en est la direction de William Barkhymer, à la tête des Choeur et Orchestre du Harlem Theatre, tant se mêle la précision du trait à ce souffle d’inspiration ‘gospel’ qui affleure à tout moment de la partition. Sans pouvoir applaudir le Porgy de Terry Cook, j’ai eu affaire par deux fois à celui d’Alvy Powell, masquant une certaine usure des moyens par sa présence bouleversante. La Bess d’Indira Mahajan a un rayonnement plus intense que celle de Morenike Fadayomi qui ne trouve ses marques qu’en milieu de représentation. Extraordinaires, la Serena inspirée de Mari-Yan Pringle, le Crown animal sensuel de Michael Redding et le Sporting Life machiavélique roublard de Jermaine Smith. La Clara de Heather Hill n’a plus qu’un soprano trémulant à offrir au célèbre Summertime ; mais elle suscite toujours la passion de son époux Jake incarné par le fringant John Fulton. Et la Maria de Marjorie Wharton joue les anges gardiens d’un faubourg qui ne demande qu’à survivre.
Paul-André Demierre
Genève, Grand Théâtre, les 13 et 20 février 2015