L'enregistrement que nous attendions avec impatience !

par

0126_JOKERRobert Schumann (1810 – 1856)  Fantaisie en do majeur, op. 17 – Kreisleriana, op. 16
Joaquin Achucarro (piano)

2012 – DDD – 74’38’’ – Textes de présentation en anglais, allemand, espagnol, français, chinois – La dolce volta – LDV10

Les enregistrements de la Fantaisie et des Kreisleriana de Schumann ne se comptent plus aujourd’hui. Tout pianiste qui en a la possibilité tente de comprendre le style de ces œuvres d’un compositeur dans la tourmente. Pour rappel, c’est en 1838 qu’il termine l’écriture de sa célèbre Fantaisie, une pièce en trois parties relativement longue et dédiée à Franz Liszt. Ce dernier le félicite en ces mots : « La Fantaisie qui m’est dédiée est une œuvre de l’ordre le plus élevé – je suis en vérité fier de l’honneur que vous me faites en m’adressant une si grandiose composition ». A la lecture de la partition, l’évidence d’une œuvre à la forme la plus élaborée est faite. Les trois mouvements ont une cohérence entre eux amenant une longue poésie, douloureuse et angoissée par la séparation d’avec Clara en 1836. Les rythmes syncopés que l’on retrouve souvent nous interpellent tant par l’ambiance jazz qu’ils procurent tant par cet effet tourmenté qui ne cesse de se développer. Le climax est d’ailleurs atteint avec brio par le second mouvement qui déploie une énergie fulgurante pour conclure sur la véritable poésie du dernier mouvement qui nous rappelle les Etudes canoniques du même compositeur ou certaines pièces des Scènes de la forêt. Joaquin Achucarro en est l’interprète et nous livre une lecture très intime et réfléchie de cette œuvre. Comme le soulignait Zubin Mehta, on n’a plus entendu une telle qualité de son depuis Rubinstein. Achucarro a pris le temps de comprendre cette œuvre redoutable, de la saisir, de l’intégrer et tout simplement de la comprendre. Pour cela, il faut avoir le courage de se mettre dans la peau de Schumann, ce compositeur romantique génial au destin particulier. Cette œuvre est une confession du compositeur à sa bien aimée Clara et l’interprétation d’Achucarro est une confession à la musique. Quelle maturité se dégage de cet enregistrement, rares sont les pianistes qui parviennent à exprimer le crescendo du dernier mouvement comme il se doit. Le son n’est jamais dur à l’image d’une voix qui chanterait la mélodie. Même chose pour le passage en do majeur à la fin du premier mouvement, comment penser cette fin après ce que l’on vient de jouer ? Achucarro déploiera la même intelligence dans les Kreisleriana. Mis sur papier en quelques jours, l’étendue de ce cycle nous présente les vraies facettes du compositeur, la psychologie qui le hante de plus en plus. Son langage harmonique est d’ailleurs beaucoup plus complexe et se rapproche de ce que l’on pourra entendre dans les Scènes de la forêt ou même les Etudes symphoniques. Fascinante est l’interprétation de la troisième pièce, Sehr aufgeregt qui allie à la fois une ligne mélodique dans un contrepoint exceptionnel au caractère allemand présenté dès le départ. Sans paraître vulgaire, le pianiste parvient à faire sonner chaque accent, chaque décalage rythmique comme il le faut. On apprécie aussi sa très grande maitrise de la pédale dans tout l’enregistrement.
Cet enregistrement (qui date de 2003) est celui que nous attentions avec impatience. Achucarro est un pianiste exceptionnel et son talent est difficilement égalable. Son travail de recherche sur le son est remarquable, ce que peu de pianistes font actuellement. Sans doute a-t-il raison lorsqu’il dit que la compréhension de l’œuvre de Schumann n’arrive qu’après avoir vécu avec elle ?
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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