Un musicien qui a de la Suite dans les idées !

par

« Fait pour les Anglois »
Johann Sebastian BACH (1685-1750) - Les Suites Anglaises (BWV 806 à 811)
Pascal DUBREUIL, clavecin

2013-142’19’’ (2 CD)-Textes de présentation en français, anglais et allemandRamée-Ramée RAM 1207

Sa lecture irisée des deux parties de la Clavier-Übung du Cantor de Leipzig, également éditée chez Ramée, avait déjà obtenu l’estime de la critique. Pascal Dubreuil remet aujourd’hui le couvert avec ces six suites qui n’ont d’anglais que le nom – lequel, on le sait, n’est d’ailleurs pas de Bach.
La moindre qualité du claviériste français n’est pas d’être parvenu à se distancier des interprétations pleines de rudesse qui ont été données de ces pages. Le mélomane ne sait que trop bien à quel point les restitutions des suites et partitas pour clavecin de Bach que nous ont laissées nombre d’artistes sont souvent mécaniques et insuffisamment aérées. Dubreuil prend, au contraire, le sage parti de conférer à "ses" Suites Anglaises volume et respiration. Certes, on y danse moins que chez d’aucuns (mais chez certains, l’on y trébuche !). Du reste, pathos et grandiloquence sont ici résolument bannis. Pour autant, la rhétorique n’en est pas moins soignée et l’esprit galant qui règne sur ces suites, préservé. Surtout, le discours est d’une rare transparence; c’est principalement sur ce point que Dubreuil se montre franchement perspicace. Certains pourront déplorer, par endroits, un manque relatif de vigueur du toucher dans les gigues, courantes et autres mouvements vifs. Mon seul réel regret concerne l’excessive discrétion du medium de l’instrument, pris en sandwich entre un soprano solaire et une basse charnue. Mais ce serait presque faire outrage à ce qui s’avère, au final, une très belle réalisation, nette et sans bavure, inspirée, et magnifiée par une prise de son haute en couleur. J’irai jusqu’à dire que Dubreuil flirte par moments avec la perfection – le Prélude de la Deuxième Suite (BWV 807) est un modèle d’excellence en son genre.
Quand bien même eussent-elles été « faites pour les Anglois », comme le prétend un copiste anonyme, force est donc d’admettre que les Suites que voici siéent à merveille au Français que voilà !
Olivier Vrins

Son 8 – Livret 7 – Répertoire 10 – Interprétation 9

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