L’ensemble I Gemelli à Bozar
Ce jeudi 30 novembre, le jeune ensemble français I Gemelli, fondé en 2018 par Emiliano Gonzalez Toro et Mathilde Etienne, posait ses bagages dans la salle Henry Le Boeuf. Forts d’une tournée ayant commencé le 14 octobre, les artistes nous ont livré une magnifique interprétation de l’opéra Il ritorno d’Ulisse in patria de Claudio Monteverdi.
Créé en 1640 à Venise, Il ritorno d’Ulisse in patria est un opéra en un prélude et trois actes. À 72 ans, Claudio Monteverdi jouit d’une grande renommée et a révolutionné le monde musical. Quand il compose cette œuvre, il est totalement libre. Ce n'est pas une commande et sa réputation de compositeur n’est plus à faire. Trente ans après le succès de l’Orfeo, premier opéra jamais composé, Monteverdi signe une fable héroïque, tantôt tragique, tantôt comique, regroupant tout le savoir-faire d’un maître au sommet de son art.
L’ensemble I Gemelli, dirigé par Violaine Cochard au clavecin et à l’orgue positif, a livré une prestation époustouflante. Les musiciens, complètement rodés après plusieurs dates et l’enregistrement d’un cd, ont parfaitement rempli leurs rôles. “Rôles” au pluriel, car non content de jouer toute la pièce avec une cohésion, une précision et une énergie exceptionnelles, ils ont aussi pris part à l’histoire, interagissant avec les chanteurs et tenant le rôle de choristes.
Les chanteurs, quant à eux, ont totalement charmé le public. Emiliano Gonzalez Toro est un Ulysse brillant. D’une voix ferme et puissante, il jongle avec aisance entre les émotions qui tiraillent son personnage. Le plus impressionnant étant sûrement sa capacité à modifier sa voix pour jouer Ulysse sous son déguisement de vieux mendiant. Dans l’autre rôle phare, c’est une Pénélope torturée mais toujours fière qu’incarne Fleur Barron. Par sa voix et par ses expressions, elle nous a offert les moments les plus émouvants de la soirée. Bien que diminuée physiquement par un accident de scène, Mathilde Etienne est une Melanto charmante. Souvent accompagnée de son prétendant Eurimaco, interprété avec humour par le très charismatique Alvaro Zambrano, on en vient à regretter de ne pas les entendre plus. Alix Le Saux est une Ericlea discrète mais d’une précision chirurgicale, tandis que Christian Immler est un Nettuno d’une profondeur à couper le souffle. Fulvio Bettini est un Iro hilarant, toujours dans l’ombre des prétendants Anders J. Dahlin (Pisandro), Juan Sancho (Anfinomo, Giove) et Nicolas Brooymans (Antinoo, Tempo). Tous trois ont livré une prestation très appréciée du public. Pour compléter cette distribution, nous avons eu la chance d’entendre Emöke Barath en Minerva et en Fortuna, Zachary Wilder en Telemaco, Nicholas Scott en Eumete et Lysa Menu en Giunone et Amore.
Après une standing ovation complète par un public totalement conquis par cette prestation de grande qualité, les chanteurs et les musiciens ont repris l’air des Phéniciens pour clôturer dans la joie et la bonne humeur cette soirée magnifique.
Bruxelles, Bozar, le 30 novembre 2023.
Alex Quitin, Reporter de l’IMEP.
Crédits photographiques : Michel Novak