Les Suites pour harmonium de César Franck transcrites à l’accordéon

par

César Franck (1822-1890) : cinq Suites de L’organiste, Pièces pour orgue-harmonium FWV 41. Doris Bertschinger, accordéon. Livret en anglais, allemand, français. Décembre 2019. TT 56’23. Neos 32001

La production que César Franck dédia à l’harmonium fut explorée très extensivement par Arturo Sacchetti dans un coffret Koch Europa (1991) : les Cinq Pièces M26, les 44 Petites Pièces Pour Orgue Ou Harmonium, et L’Organiste, cela sur un Mustel dont l’interprète italien ne semblait pas fort familier (usage de « l’expression » au pied), contrairement à Joris Verdin (double-album Ricercar, 2012), fondamental et exemplaire dans ce répertoire. L’Organiste date des deux ultimes années du compositeur, qui n’eut pas le temps d’achever ce recueil conçu comme douze Suites explorant chacune un degré de l’échelle chromatique. Franck s’est arrêté à la tonalité de la bémol. Chaque Suite comprend sept pièces (en majeur et mineur) dont la dernière est la plus développée.

Dans sa notice, l’accordéoniste helvète aborde la question de l’adaptation à son instrument, d’un ambitus plus restreint, qui requiert d’octavier certaines notes graves. La registration doit aussi s’aborder spécifiquement, alors que l’harmonium dispose d’un clavier coupé en demi-registres, jouable d’une main ou des deux. L’interprétation s’est apparemment fondée sur la partition Leduc : l’édition critique de l’œuvre d’harmonium, par Joël-Marie Fauquet et Joris Verdin. Des transcriptions sont pourtant publiées et disponibles, ainsi celle d’Anatoly Semeshko qui écrivait dans sa préface : « malgré l’enjeu modeste et la petite échelle, les pièces sont pleines de poésie magique. On sent la main d'un vrai et unique maître, le style particulier de Franck : son écriture harmonique et mélodique typique, la liberté des modulations, la variété tonale... »

Le livret indique que les couleurs de l’accordéon sont « plus incisives et son caractère est généralement plus extraverti que celui de l’harmonium ». On aurait aimé qu’il dise un mot du phrasé, du tempo et de la dynamique qui ne sauraient se pratiquer de la même manière sur les deux instruments à anches libres. Le programme se limite aux cinq premières Suites (d’ut à mi) alors que la durée du disque permettait d’en inclure au moins une autre : le reste fera-t-il l’objet d’un prochain volume ? On le souhaiterait car ces miniatures pleines d’invention et de charme offrent un tout autre portrait du clavier franckiste que les grands cycles pour orgue. Et l’interprétation sensible et sûre de Doris Bertschinger vaut qu’on s’y plonge. Le doucereux Poco allegretto en ut, le pathos à nu du Chant de la Creuse, le savoureux Vieux Noël dérivé du Noël suisse (que chacun connaît, au moins par Daquin), la complainte de l’Andantino quasi allegretto en mi mineur… Un visage fraternel et attachant du Pater Seraphicus.

Son : 9 – Livret : 9 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

 

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