Une carte de visite pour la flûtiste Sylwia Kubiak-Dobrowolska

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Flutissima. Franz Benda (1709-1786) : Concerto pour flûte et orchestre en mi mineur. Saverio Mercadante (1795-1870) : Concerto pour flûte et orchestre n° 1 en mi mineur. Sylwia Kubiak-Dobrowolska, flûte ; Sinfonia Nova Orchestra, direction Lukasz Wojakowski. 2021. Notice en polonais et en anglais. 46.25. Dux 1805.

Cet album Dux intitulé Flutissima est le premier d’une série annoncée pour l’instrument, confié à la Polonaise Sylwia Dubiak-Dobrowolska. Ce qui ne justifie pas la brièveté de l’enregistrement, trois quarts d’heures de musique seulement, durée assez difficile à considérer dans le contexte actuel de la publication d’un disque. On considérera donc cette production comme une entrée en matière, ou mieux encore une carte de visite qui permet de faire connaître une interprète qui a reçu son enseignement à l’Académie de Musique Frédéric Chopin de Varsovie, et a perfectionné ses compétences auprès du Français Jean-Pierre Rampal, de la Néerlandaise Miriam Nastasi ou du Suisse Peter-Lukas Graf. Les deux œuvres du programme sont des classiques du répertoire pour la flûte.

Originaire de Bohême, Franz Benda fait partie d’une famille de musiciens, violonistes et compositeurs. Lui aussi violoniste de talent, il a passé le début de de sa carrière à Prague, puis brièvement à Vienne, avant de devenir en 1733, à la Cour du futur Roi de Prusse Frédéric II, premier violon de son orchestre dont il sera finalement le konzertmeister. On sait que le souverain, très cultivé, maniait la flûte et que Benda a été pour lui un partenaire très régulier. Ce compositeur a laissé une œuvre abondante : symphonies, musique de chambre, sonates, concertos divers, dont quatre pour la flûte, largement enregistrés par les virtuoses de l’instrument, de Jean-Pierre Rampal à Laurence Dean ou Emmanuel Pahud, en passant par Patrick Gallois, James Galway, Ingrid Dingfelder ou Jan De Winne. Le charmant Concerto en mi mineur, dans la ligne de Carl Philipp Emanuel Bach, date sans doute de 1764. Trois mouvements au style tour à tour alerte (Allegro con brio), délicatement ouvragé (Un poco andante) ou joyeux (Presto) attestent d’un art du cantabile que ses contemporains reconnaissaient à Benda. Les souples cadences choisies par la soliste sont celles du flûtiste et chef d’orchestre tchèque Milan Munclinger (1923-1986).

Le célèbre Concerto en mi mineur de Saverio Mercadante a été composé en 1814 ; la virtuose polonaise y utilise ses propres cadences. Ce compositeur, né près de Bari, a étudié au Conservatoire de Naples auprès de Niccolo Antonio Zingarelli que Napoléon admirait beaucoup et qui fut aussi le professeur de Bellini. Auteur prolifique d’opéras (au moins une soixantaine), mais aussi de ballets, de musique sacrée, de chambre ou orchestrale, Mercadante a laissé trois concertos pour flûte. Le premier, ici présent, est le plus réussi avec son Allegro maestoso inaugural dont la partie instrumentale est très soignée, le dialogue avec le/la soliste revêtant un caractère que l’on peut qualifier de dramatique. Un assez bref Largo lui succède dans un contexte paisible où l’on décèle un peu de désolation, avant le final éblouissant, le Rondo russo, entraînant et inspiré, au lyrisme chaleureux et à la verve mélodique très séduisante. 

Pour les flûtistes, l’œuvre romantique de Mercadante est une occasion idéale de se mettre en valeur. Ce que fait avec éloquence, émotion et chaleur Sylwia Kubiak-Dobrowolska, bien plus que dans la partition de Benda, jouée de façon assez conventionnelle. Le Sinfonia Nova Orchestra possède des couleurs instrumentales que l’on aimerait voir magnifiées par son chef, Lukasz Wojakowski, trop sage. Fondée en 1995, cette formation comprend des solistes de l’Opéra National polonais, de l’Orchestre de Chambre de Varsovie et de l’Orchestre Philharmonique national. La prise de son met bien en évidence la flûte, très présente.

On sera attentif à la suite annoncée de ce projet Flutissima, car on aimerait découvrir l’artiste dans un autre répertoire. A noter que le livret contient plusieurs photographies en couleurs de Sylwia Kubiak-Dobrowolska, dont la blondeur est mise en valeur par des tenues vaporeusement romantiques et une fragile ombrelle, un peu à la manière d’un magazine de mode. Le charme vestimentaire associé à celui de la musique ? On ne va pas s’en plaindre !

Son : 8, 5  Notice : 8  Répertoire : 8  Interprétation : 8

Jean Lacroix

 

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