Les symphonies romantiques méconnues de Zygmunt Noskowski

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Zygmunt Noskowski (1846-1909) : Symphonie n° 1 en la majeur ; Symphonie n° 2 en do mineur « Élégiaque ». Deutsche Staatsphilharmonie Rheinland-Pfalz, direction Antoni Wit. 2022. Notice en allemand et en anglais. 80.16. Capriccio C5509. 

Né à Varsovie, Zygmunt Noskowski, aujourd’hui méconnu, a été une personnalité musicale de premier plan au cours de son existence. Il étudie, au conservatoire local, le violon et la composition ; l’un de ses professeurs est Stanislaw Moniuszko. Il obtient une bourse qui lui permet de se rendre à Berlin où, de 1864 à 1867, il se perfectionne auprès de Friedrich Kiel, un professeur réputé qui comptera aussi parmi ses élèves Paderewski et Charles Villiers Stanford. Après un bref retour à Varsovie pour présenter sa Symphonie n° 1 (qui obtiendra un 1er Prix à Bruxelles en 1893 lors d’un concours de composition), il est rappelé en Allemagne pour prendre la direction d’une école de musique chorale sur les bords du lac de Constance. Au cours de ce séjour de six années, il rencontre Franz Liszt qui va l’aider à jouer ses œuvres en public et à les faire publier. 

Noskowski est de retour au pays natal en 1880 pour ne plus le quitter ; il y présente sa Symphonie n° 2, achevée l’année précédente. Il devient rapidement une référence dans les milieux musicaux de la Pologne, alors intégrée à l’Empire russe. Il est nommé directeur artistique de la Société de Musique de Varsovie de 1880 à 1902, organise de nombreux concerts, est à la tête de l’Orchestre Philharmonique de 1905 à 1908, et de l’Opéra en 1907. Devenu un pédagogue reconnu (Szymanowski, Karlowicz ou Rózycki seront de ses élèves), Noskowski est aussi un critique musical respecté. Son catalogue comprend de la musique orchestrale, dont trois symphonies et des poèmes symphoniques, genre qu’il a introduit en Pologne, des opéras, de la musique de chambre et vocale et des sonates pour divers instruments. Le label polonais Acte Préalable a fait un large écho à ses pages pour piano et à sa musique de chambre.

La présente production regroupe les deux premières symphonies de Noskowski. Par le passé, le label Sterling avait proposé séparément la Première en 2003, la Deuxième en 2009, chaque fois avec un orchestre de la Radio polonaise, mené par Slawek A. Wróblewski, puis par Lukas Borowicz, en couplage avec des poèmes symphoniques. L’initiative du rapprochement des deux partitions est logique. Car il y a une continuité, non seulement dans les dates de composition (1874/75, puis 1875/79), mais aussi dans l’approche stylistique. Le romantisme nourri de classicisme de Noskowski se concrétise pendant la période de son expérience allemande. Jeune créateur de moins de trente ans, il est à la recherche de son originalité lorsqu’il se lance dans l’écriture de la Première, dans laquelle on reconnaît une atmosphère schumanienne. L’Allegro molto initial se déroule dans un climat pastoral et poétique aux belles couleurs. Des rythmes de danse l’accompagnent, dans une orchestration subtile. L’Adagio cantabile, en recherche d’émotions et d’expressivité, précède un Vivace et un Allegro con fuoco pleins de vitalité, qui n’est pas éloignée de pages tchèques de la même période. Malgré quelques longueurs, l’ensemble est plaisant.

La Symphonie n° 2, entreprise juste après son aînée, mais dont la gestation a duré quatre ans, est plus passionnante. Ici, le climat tend plutôt vers Brahms, avec un Moderato misterioso introductif, au sein duquel une rêverie tourmentée et enflammée s’installe. La notice signale que, dans l’autographe de la partition, ce mouvement portait le sous-titre de « La nation en servitude ». Une allusion politique ? L’introduction d’éléments folkloriques polonais dans le superbe Scherzo, avec ses passages bien cuivrés, et son appellation « Espoir et appel aux armes », semblent le confirmer. Le troisième mouvement, Elegia (qui a donné son nom à la symphonie) s’adresse aux « héros tombés » et se développe dans un climat lyrique chaleureux, avant qu’un final grandiose, Per aspera ad astra, ne souligne une volonté d’aspiration à la liberté, exaltée et prémonitoire. Mais Noskowski disparaîtra trop tôt pour savouer une première indépendance de son pays.     

A quel autre meilleur défenseur de la musique polonaise qu’Antoni Wit, dont des enregistrements de Lutoslawski, Penderecki, Górecki et quelques autres font référence, aurait-on pu confier cet hommage à Noskowski ? A la tête de la solide formation de Rhénanie-Palatinat qui a connu des heures de gloire sous la baguette de Richard Strauss, Hermann Abendroth, Christoph Eschenbach ou Leif Segerstam, le chef accomplit un travail d’orfèvre et donne à ces pages, qui sont des jalons importants de la si riche musique polonaise, l’élan qui leur est nécessaire. Il sert particulièrement bien la Symphonie n° 2. Le présent album s’impose face aux deux versions parues précédemment chez Sterling.  

Son : 8  Notice : 6  Répertoire : 8  Interprétation : 9

Jean Lacroix 

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