Musique sacrée de Legrenzi, premier enregistrement de l’opus 3

par

Giovanni Legrenzi (1625-1690) : Harmonia d’affeti devoti, op. 3. Giovanni Acciai, Nova Ars Cantandi. Alessandro Carmignani, soprano. Andrea Arrivabene, contralto. Gianluca Ferrarini, ténor. Marcello Vargetto, basse. Ivana Valotti, orgue. Septembre 2020. Livret en anglais, paroles en italien et traduction en anglais non inclus dans le livret mais disponibles sur le site de l'éditeur. TT 47’41 + 42’33. Naxos 8.579123-24

Après avoir enregistré en « première mondiale » le Canto Compiete Con le Lettanie & Antifone della Beata Virgine (Naxos, avril 2018), Giovanni Acciai nous revient avec un autre recueil inédit au disque : l’opus 3. Écrits sur des textes d’auteur anonyme (le compositeur lui-même ?), ces Harmonia d’affeti devoti parurent en 1655 à Venise, alors que Legrenzi était organiste de la Basilique Santa Maria Maggiore à Bergame depuis une dizaine d’années, un poste duquel il fut congédié le 30 décembre 1654 pour conduite inacceptable -incompatible avec la qualité de prêtre qu’il avait obtenue en 1651. Le décret de renvoi ne précise pas la nature de cet égarement.

Même s’il ne renie pas le stile antico dans les fugues et canons, celui à qui Bach emprunta un air pour la fugue BWV 574 s’inscrit dans le sillage monteverdien et relève du stile concertato et de la seconda prattica ; la musique épouse étroitement la signification et le relief expressif des paroles. Cette influence « ne résulte pas d’une imitation servile, mais contribue à un incomparable style personnel, et dans cette mesure Harmonia d’affeti devoti révèle un extraordinaire niveau de raffinement mélodique, d’érudition harmonique et contrapuntique, de vitalité rythmique, et d’élégance », selon l’élogieux commentaire du professeur Acciai. Ces motets à deux, trois ou quatre voix se destinent à la prière quotidienne, peut-être à vocation d’intimisme, ou du moins pour les offices qui ne pouvaient se permettre une masse chorale.

Saluons d’abord l’excellente captation, réalisée dans l’acoustique agréablement réverbérée de Basilique Palatine Santa Barbara de Mantoue, qui offre aux chanteurs une perspective très réaliste -Ivana Valotti ciselant un discret soutien à l’orgue. Actif depuis plus de vingt ans, l’ensemble Nova Ars Cantandi s’est distingué ces dernières années par un album Bassani (Tactus) nominé aux ICMA en 2017, et par un Responsori della Settimana santa de Leonardo Leo (1694-1744) pour le prestigieux label Archiv Produktion, primé en 2019 par l’Association des Critiques Musicaux Italiens.

Pour l’opus 7, nous avions suspecté quelques limites vocales, que l’on peut partiellement reconduire : ténor sobre, soprano parfois en peine face aux envolées de tessiture (Cadite Montes ou Venite fideles). Mais globalement la projection collective convainc, du duo au quatuor, transportée par une diction limpide et claire, même la basse bien articulée de Marcello Vargetto. Et quand se lève ça et là un sourcil quant à la justesse, la phonogénie et la ferveur d’ensemble compensent la réticence. On sent combien Giovanni Acciai, internationalement reconnu pour l’expertise de sa direction vocale et ses travaux de paléographie musicale, croit à ce projet de résurrection : il anime son plateau avec un enthousiasme qui souligne sens et affects du texte, laisse sourdre l’émotion (Salve Regina), il laisse l’auditeur en connivence avec ces petits bijoux qui effectivement méritaient de sortir des archives, et de se voir confiés à des artistes aussi motivés.

Son : 9,5 – Livret : 9,5 – Répertoire : 9 – Interprétation : 9

Christophe Steyne

 

 

 

 

 

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