Nouvel exploit pour Jean-Efflam Bavouzet

par

0126_JOKERIgor Stravinsky (1882-1971)
Concerto pour piano et instruments à vent – Cappricio pour piano et orchestre – Mouvements – Petrouchka
Sao Paulo Symphony Orchestra, Yan Pascal Tortelier, direction – Jean-Efflam Bavouzet, piano
2015-DDD-79’40-Textes de présentation en anglais, allemand et français-Chandos-CHSA5147

Quand on évoque l’œuvre de Stravinsky, on ne pense pas naturellement aux œuvres pour ou avec piano. Pourtant, dans l’immense répertoire de ce génie créateur résident quelques grandes pièces pour piano et orchestre. Jean-Efflam Bavouzet, qui nous avait déjà émerveillé lors de son intégrale des Concerti pour piano de Prokofiev, nous revient donc cette fois avec des œuvres moins habituelles. En plus d’être une brillante lecture, le présent CD trace un vrai schéma historique en plaçant notamment le Petrouchka qui, à l’origine, fut d’abord pensé comme un Konzerstück avec la célèbre illustration d’un pantin (piano) agaçant l’orchestre. A côté de cette pièce maîtresse, le Concerto pour piano et vents, que Stravinsky joua à de nombreuses reprises à partir de 1924, vient ponctuer le CD d’un discours incroyablement moderne qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de Prokofiev. Après plus de 40 exécutions, il était temps pour Stravinsky de renouveler son répertoire. Avec le Capriccio, créé comme le Concerto à Paris, Stravinsky installe cette fois un orchestre complet dans une ambiance plus joyeuse et rythmée. Enfin, les Mouvements nous montrent la volonté et la curiosité que détenait le compositeur pour les « nouveaux langages », notamment le sérialisme.
En plus d’être passionnant historiquement, ce CD présente une belle rencontre entre Bavouzet et Yan Pascal Tortelier dont on apprend que Petrouchka lui est très cher. C’est aussi un défi pour le pianiste ; soliste pour certaines œuvres puis partie intégrante de l’orchestre. Pour un pianiste aussi brillant et habitué de la scène, se fondre dans une telle masse n’a pas dû être chose aisée. Pari réussi avec un piano à la fois brillant, présent et accompagnateur. Dans les œuvres « concertantes », on saluera un dialogue efficace entre le chef et le soliste. Travail remarquable et conséquent sur les dynamiques pour un ensemble qui ne cherche pas à aller dans la vitesse mais plutôt dans la justesse du propos. L’orchestre, irréprochable à tous les plans, accompagne avec décontraction et ne vient à aucun moment perturber le soliste. Dans Petrouchka, c’est davantage l’accent porté sur le discours, les lignes mélodiques, les effets rythmiques et la volonté de magnifier certaines caractéristiques importantes ou non qui surprendra l’auditeur. Il y a dans cet enregistrement une qualité  de son que l’on avait plus l’habitude d’entendre. Tout est maîtrisé, contrôlé et libéré de toute contrainte. Un enregistrement qui s’érigera en tant qu’incontournable de ce répertoire.
Ayrton Desimpelaere

Son 10 – Livret 10 – Répertoire 10 – Interprétation 10

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