Impressions mitigées pour Macbeth au Champs Elysées

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© Vincent Pontet / TCE

Pourquoi à la sortie du Macbeth de Verdi présenté le 4 mai au Théâtre des Champs Elysées n'éprouve-t- on qu'un plaisir mitigé ? Car cette représentation offre bien des moments exaltants combattus par d'indéfinissables réserves... Est-ce la présence de dames ministres et hauts fonctionnaires de l'actuel gouvernement qui refroidit l'atmosphère ? Il en faut quand même davantage aux vaillants interprètes ! Alors pourquoi ces accents parfois timorés, ces allures ici ou là rétrécis dans leur vie profonde, dans leurs élans brisés ? On s'interroge sans bien pouvoir « expliquer » nos réserves. A de nombreuses reprises l'excellent Orchestre National de France que dirige le maître Daniele Gatti donne l'impression de brider son ardeur, de manquer d'audace sonore (en dépit de fabuleux pianissimi)… Et puis, il faut bien en convenir, la mise en scène, ingénieuse ici, pâlichonne ailleurs laisse sur une ambiguïté créatrice. A côté d'idées intéressantes, on côtoie des fadaises indignes d'un Mario Martone, metteur en scène parfois inspiré mais inégal : pourquoi -et pour quoi!- ces mesquines apparitions sur le dossier du trône métallique, ces projections vidéo de jeunes femmes hagardes, vautrées sur le corps du roi, se dénudant honteusement, ce ballet de sorcières barbues agglutinées à plat ventre, en soubresauts lamentables. Et que dire de ces portes sans portes, dessinées par des tubes de néon ?... Un tel parti-pris de dénuement laissant absolument seuls les chanteurs sur un plateau vide pourrait se défendre s'il ne s'agissait pas de fantastique, de Shakespeare, du romantisme verdien. Paradoxalement la présence de deux chevaux vivants souligne encore cet inexcusable déficit de l'imaginaire. Peut-être ce sentiment d'inachevé provient-il, en partie, de Verdi lui même ? Présentée le 14 mars 1847, au Théâtre de la Pergola de Florence, mais revue en 1865 (version donnée au T.C.E.), l’œuvre est un tournant qui marque la naissance des grands et vrais chefs d’œuvre après la trilogie des Rigoletto (1851), Trovatore (1853), Traviata (1853) Certes, Verdi, qui se confronte là pour la première fois à Shakespeare qu'il admire tant, et pour plaire au public florentin averti autant que difficile, a sculpté avec soin sa partition, attentif à écrire une orchestration travaillée, à fouiller psychologiquement les caractères et les récitatifs. Il n’empêche : ces belles trouvailles, assez neuves, dépassent certes ses précédents ouvrages (I Lombardi, Ernani, Attila) mais sans atteindre à la fulgurante cohérence d'après 1850. Dès lors, avec Macbeth, c'est bien un modèle verdien qui finit et en même temps, un nouveau monde que l'on pressent. D'où sans doute cette impression d'inachèvement, en dépit de la qualité des voix présentées sur scène. Ravissante et saisissante actrice, Susanna Branchini affronte avec vaillance un rôle qui met à l'épreuve son endurance et requiert à la fois -et trop sans doute?- puissance d'émission et subtilités belcantistes. Roberto Frontali, sombre, monolithique incarne un Macbeth au chant large comme vaincu d'avance. Jean-François Borras assure son air de bravoure attendu tandis qu'une fois n'est pas coutume, il faut louer tout spécialement les seconds rôles et en particulier la dame d'honneur de Lady Macbeth, la merveilleuse musicienne Sophie Pondjiclis, belle mezzo aux accents mordorés et le tout jeune ténor Jéremy Duffau, Malcolm, au chant plein, sobre et élégant qui conclut avec panache … tout en chevauchant un destrier impatient ! Rappels enthousiastes du public.
Bénédicte Palaux Simonnet
Théâtre des Champs Elysées, 4 mai 2015

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